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Fouilles, manque de moyens et d'imagination

Publié le 22 mai 2009 par H16

Il y a quelques temps de ça, les couloirs du Ministère de l'Education bruissaient de la rumeur qu'on aurait voulu, dans un moment passager d'oubli républicain, doter les collèges et les lycées de portiques détecteurs de métaux pour en sécuriser l'accès et assurer ainsi que nos chères têtes blondes n'y faisaient pas entrer des AK47 en douce. Stupeur ! On sentait l'américanisation rampante de notre société. Gloups, s'écriaient en cœur les associations de parents d'élèves, de profs et de vendeurs d'armes. La polémique tomba rapidement... Pour ressurgir tout dernièrement avec la proposition de Darcos d'autoriser les fouilles des élèves.

Quand on n'a qu'un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous. Et quand, en plus, on ne sait pas taper, les résultats sont décevants.
En France, il est tellement habituel d'appeler l'état à l'aide pour tout problème, petit et grand, que toute autre solution n'est même pas évoquée. Et qu'on parle de la criiiiise, de l'abstention, des incivilités, des calibrages des poireaux ou des prouts au méthane, l'état se dresse devant nous, omniscient, bienveillant et efficace. Par la force des habitudes, le gros organisme mou est devenu si volumineux qu'il occupe à présent tout notre champ de vision et qu'il est difficile de distinguer autre chose : les solutions de bon sens semblent à tout jamais cachées derrière l'amas énorme que les institutions et les mauvais usages ont formé.
Pour l'éducation, c'est pareil : hors de l'État, point de salut.
Le problème, au départ, et même s'il s'énonce vite, est assez ample : comment s'assurer que les récentes exactions qui ont eu lieu dans les établissements publics ne se reproduisent plus ? Comment doit-on procéder pour que certains collèges ou lycées de France et de Navarre ne soient plus le lieu d'affrontements de bandes rivales, pour éviter que des enseignants ne soient agressés ? Bref, comment faire en sorte qu'ils ne soient pas gangrenés par la violence ?
Pour les marteaux de droite, le clou doit être enfoncé en tapant par une série de petits coups vifs.
Darcos préconise donc une fouille des élèves à l'entrée des bâtiments ou lorsque cela s'avère nécessaire (sur un soupçon ? après enquête ?). On a un peu de mal à imaginer cela en pratique. D'une part, si l'élève a effectivement une arme, comment éviter que la fouille ne tourne au grabuge ? Si l'élève n'en a pas, on peut imaginer les suspicions générées par l'acte lui-même... Savoureux et terriblement pragmatique, tout ça. Je n'aurai pas cru, à vrai dire, que l'enseignement était, ces dernières années, devenu un sport de contact ou une discipline martiale.
Pour les marteaux de gauche, le clou doit être enfoncé en multipliant les marteaux.
Se plaçant en opposition du ministre - foutre crotte & saperlotte, que cela est surprenant - les syndicats des professionnels de la profession de professeur sont bien sûr contre cette idée barbare rétrograde fascisante et qui intente gravement à la présomption d'innocence, favorise les discriminations discriminantes et les vilains comportements armophobes racaillophobes fascistes. Et puis aussi, ils se demandent comment faire, pratiquement, pour mener les fouilles. Auront-ils droit au tazer ? Pourront-ils flanquer quelques coups de tonfa bien ajustés sur la tronche des élèves qui font plus de 10 fautes d'orthographe dans leurs salades de mots dictées ?
Bref, ça va discutailler sec pour d'un côté faire valoir qu'il faut absolument mettre en place des systèmes de surveillance (on retrouve ici le biais de droite qui consiste à troquer la liberté pour une grosse sécurité baveuse), et de l'autre côté mentionner que de toute façon, ce n'est pas avec les moyens nanométriques qu'on donne à l'Edulcoration Nationale qu'on va pouvoir aller bien loin.
Rîîndez-vous compte, M'sieur Darcos ! On a supprimé des postes comme jamais dans ce bas-monde et c'est suite à ça que les jeunes, désœuvrés, le cœur empli de tristesse et de vague à l'âme, se sont laissés séduire par la violence, les mœurs dissolues et ont acheté les derniers Heckler & Koch HK45 ACP histoire d'essayer quelques cartons dans le tableau noir de la prof d'Anglais.
Conclusion : il faut plus de moyens . Ce qui a le mérite d'être à la fois clair comme du cristal et original comme un rot après un coca trop vite bu.
Eh oui : nous avons donc deux solutions parfaitement étatiques d'un côté comme de l'autre, et toutes les deux emprunte du même pragmatisme qui leur permet d'être à l'abri de tout échec. Ainsi, la proposition initiale de fouille - dont on sent qu'elle a tout d'une pure passade communicante - demandera certainement des formations, des soutiens psychologiques, et un traitement de fond pour qu'elle soit mise en place dans les établissements concernés. On sent déjà un gouffre financier. Ça tombe bien : l'EdNat a les moyens.
Ah non, zut, j'oubliais : elle en manque. Toujours. Il y a de moins en moins d'élèves, de plus en plus de profs par élèves, et la masse d'argent cramée par la vénérable institution est tous les ans plus énorme ... mais elle manque de moyens ! Il faudrait conserver ou agrandir l'effectif déjà pléthorique, ou, comme le dit joliment le langage fleuri de la FIDL, ce repaire puant de petits gauchistes aux ambitions politiques dévorantes, il faudrait plutôt "commencer par maintenir la présence d'adultes dans les établissements scolaires au lieu de continuer à supprimer massivement des postes dans l'éducation nationale" ...
Maintenir la présence d'adultes ? On pourrait déjà commencer par virer de la boucle décisionnelle les syndicats de moutards pré-pubères et autres fédérations de puceaux prétendument indépendants que les établissement doivent supporter actuellement, ce serait déjà un début.
Maintenant, éloignons-nous un peu du porridge institutionnel qu'on nous livre ici prédigéré. On peut alors se poser la question de savoir ce qu'il y a de si fondamentalement différent entre, mettons, les années 1970 et maintenant, qui fait qu'à l'époque, les problèmes de sécurité n'étaient pas aussi grave et qu'ils le sont à présent ? Et peut-être (supposition audacieuse) ce problème ainsi posé, trouverons-nous qu'il ne ressemble pas à un clou, et peut-être trouverons-nous une réponse qui ressemblera à autre chose qu'à un n-ième marteau ?
Si l'on met de côté que durant les années 70, la médiatisation tabloïdesque du 20H n'était qu'embryonnaire, force est cependant de constater qu'il y était plutôt rare d'y trouver des armes. Et pourtant, il n'y avait pas de portiques ni de fouilles et, déjà à l'époque, les couteaux étaient en vente libre. Pire : dans certains cours de bricolage (devenus par la suite, novlangue bondissante et IUFM effervescents obligent, Enseignement Manuel et Technique) on allait jusqu'à utiliser des ... cutters ! Ne parlons pas des maths, avec leurs cercles tracés au compas, pointu. Et pourtant, le nombre de profs estropiés, piqués, lardés ou poinçonnés ne semblait pas émouvoir l'opinion publique de l'époque... En tout cas, pas au point d'envisager des fouilles au corps sur les élèves, par exemple.
Il y avait, cependant, à l'époque, une différence fondamentale : un professeur qui faisait une remarque sur un élève, voire qui le sanctionnait, n'était pas immédiatement confronté à ses parents courroucés, persuadés que leur rejeton était un petit génie que le carcan d'une éducation traditionnelle étouffait. Enfin, ça arrivait, mais c'était, à l'époque, un cas rare. Le cas le plus fréquent était celui de la double peine : si les parents apprenaient qu'un prof avait envoyé le rejeton en colle un mercredi, l'élève était bon pour une sanction familiale en plus (punition ou paire de mandales). En terme d'ordre et de respect, et si vous multipliez par des centaines de milliers de gamins, ça joue beaucoup.
Cette explication a le mérite de brosser le différentiel entre le passé et le présent, mais a le défaut de ne pouvoir être utilisée pour proposer une solution. On ne peut pas réclamer le retour aux mandales chez les parents, encore que des coups de pieds au cul se perdent actuellement par cargos entiers. Cependant, ceci donne une piste : la responsabilisation des élèves est du ressort des parents.
Or, actuellement, tout est fait pour que ces derniers soient court-circuités. L'EdNat, devenue une immense halte-garderie pour enfants de 3 à 18 ans, se charge à la fois de leur apprendre à pisser droit, se comporter en citoyens modèles, en collectivistes bon-teint, en écolos festifs et à ne pas discriminer dans la bonne humeur. Avec le résultat qu'on connaît.
En plus, la carte scolaire (qui n'existe plus mais existe encore un peu mais non mais si bref) permet une vraie mixité sociale (mais si mais si) et une bonne intégration des nouveaux arrivants (puisque je vous le dis). Bilan : c'est la foire à tous les étages. Laissez mijoter quelques années, disons deux générations, et à la fin on obtient un bac dont l'intérêt se dispute avec le papier rouleau Lotus triple épaisseur, des articles de presse bourrés de fautes, une pléthore de branleurs en Histoire de l'Art option Blocage, des cerveaux qui fuient le pays par dizaine de milliers tous les ans, des chômistes et des RMeurs par palettes entières, des politiques dont la culture économique ressemble à une vaste plaisanterie, et à la culture technique consternante.
Une idée, dès lors, pourrait consister à circonscrire le rôle de l'EdNat à sa mission initiale : instruire les lardons sur le savoir nécessaire pour se débrouiller dans la vie. Ni plus, ni moins, en revoyant systématiquement les parents à leurs responsabilités.
Une autre idée pourrait consister à retirer la notion d'obligation dans l'enseignement : n'y viendraient que les élèves motivés ou dont les parents sont motivés. Et que cette motivation se traduise par des faits mesurables, par une implication notable des parents dans l'éducation (politesse, respect, savoir-vivre), charge à l'institution de rester sur le terrain de l'instruction.
De belles âmes me diront : ouin ouin snif snif, les élèves dont les parents ne s'occupent pas risquent d'être rejetés de tous les établissements ! Et j'objecterai que les parents auront donc à supporter leurs enfants, ou les conséquences de les laisser à l'abandon. En général, les parents s'adaptent rapidement à la nouvelle donne.
Une autre solution pourrait être de laisser aux chefs d'établissement toute latitude pour organiser la sécurité au sein de leur établissement. Charge à eux de prendre les mesures adaptées à leur environnement social et culturel... Si l'on y ajoute le libre choix de l'établissement pour les parents à l'inscription, on voit se dessiner une solution au moins en partie libérale puisque laissant la liberté et la responsabilité au niveau des parents. Évidemment, dans le contexte actuel d'une administration scolaire lourdement centralisée et politisée, ceci tournerait rapidement à la foire d'empoigne où chaque syndicat s'empresserait de dénoncer les concurrences ainsi introduites, et, plus prosaïquement, pleureraient sur la perte partielle ou totale de contrôle sur les effectifs des établissements, par exemple ; n'oublions pas que le bien-être des élèves est sans intérêt pour les grosses machines collectivistes, dont tous les membres boudinés tendent essentiellement vers plus de pouvoir ou de privilèges.
Ne nous leurrons pas : toutes ces solutions ne seront jamais mises en place, ni même évoquées. D'une part parce que les syndicats et une majeure partie des enseignants s'y opposeraient en poussant des hauts-cris, et d'autre part parce que côté gouvernement, ce serait marquer la fin des dogmes socialistes d'une éducation de qualité pour tous, transformée depuis bien longtemps en même bouillasse pour tous dont les résultats, facilement identifiables dans les blocages de ces derniers mois, bousculeront un peu plus le niveau scolaire des petits Français dans les abysses des classements internationaux.

Fouilles, manque de moyens et d'imagination

EdNat : vous êtes ici
Eh non. La solution n'est probablement pas plus dans une fouille systématique que dans de nouveaux moyens supplémentaires. Elle se trouve bien plus sûrement de l'autre côté des habitudes politiques, loin, si loin du cloaque collectiviste que, vu du bourbier, l'effort pour s'en extraire et aller y voir semble trop violent pour être fait.
Moyennant quoi, on s'enfonce.
Blub.
Blub.
Blub.


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