Des fascismes aux fachos, l’Europe alibi ou l’Europe réponse ? 1/4

Publié le 22 mai 2009 par Soseki

J’ai regardé il y a quelques mois un documentaire sur Canal + ayant pour titre : « Europe, ascenseur pour les fachos ».
Un documentaire intéressant qui montrait l’évolution des « fachos » dans les divers pays européens, utilisant notamment le concept d’ « Europe » comme tremplin. Toutefois, les journalistes ont fait le choix du sensationnel, cherchant d’abord à montrer des hordes racistes prêtes à monter à l’assaut de l’Europe, cachant leurs vices dans des propos ambigus.
Ce documentaire intéressant était pour moi frustrant, bâclé : pourquoi persiste-t-il une fascination pour le « fascisme » ? Comment peut-il y avoir encore des « fachos » ? Pourquoi les thématiques « racialistes » séduisent des populations, et quelles populations ? Existe-t-il une réponse européenne ? La construction européenne suscite-elle ces « fachos » ?

En fait, la persistance des « fachos » ne peut être comprise que par l’explication de ce qu’était le « fascisme », et ainsi des « fascismes ».
Et la mise en cause de l’Europe par certaines populations n’est possible que du fait de la dérive de la construction (ou non construction) de cette Europe vers la recherche d’un simple marché économique libéral. D’ailleurs, là aussi, le terme « libéral » est équivoque. Je vais donc essayer, en quatre temps, d’étriller le sujet et, j’espère, amener de nouvelles analyses et débats. Tout d’abord il est nécessaire, sans œillères, d’expliquer ce qui fonde le fascisme, ses origines intellectuelles et les contextes historiques. Puis, je résumerai sa première traduction au pouvoir par son fondateur, Benito Mussolini. Ensuite, des principes des fascismes, j’exprimerai les éléments qui me paraissent prouver les impasses et les errements endogènes aux fascismes. Enfin, j’exposerai en quoi l’Europe, et en quoi une Europe des Démocrates, est la réponse aux peuples européens.

D’ABORD, QU’EST CE QUE LE FASCISME ?
Mon objectif est ici d’expliquer les réalités des fascismes, afin de comprendre ce qui peut leur permettre d’attirer, de fasciner des populations. D’en voir aussi les limites…

Comme la plupart des mouvements politiques, le fascisme est un produit du contexte historique, culturel, de la situation géographique et des actions des individus.
Sur le plan intellectuel général, la Révolution française a donné naissance notamment à la notion de « nation », en tant qu’objet politique, face à la monarchie. Le peuple s’incarne dans une nation et la gouvernance politique y puise sa légitimité. Dans cette nation, les hommes y sont citoyens, égaux en droit de chacun. L’intérêt général, de la nation, donc des citoyens, en est l’expression et la nécessité politique… Qui incarne l’intérêt général ?
La pensée socialiste y puise aussi une partie essentielle de ses origines. A partir du 19è siècle, un courant intellectuel cherche à lier organisation rationnelle de l’économie, modernisme industriel, égalité sociale et politique. Fourrier, Saint Simon, Proudhon, furent auteurs de pensées socialistes fécondes. Grossièrement, leur objectif est une rationalisation de l’organisation des hommes pour accroître production et productivité dans le but du bien-être des citoyens et de l’égalité entre tous. Oswald Spengler exprimera, lui, un socialisme d’Etat, national, qui inspirera les fascismes, voire le communisme russe.
Une autre tendance politique s’inspire de la révolution française et des soubresauts politiques du 19è français : une gauche autoritaire, voire réactionnaire. L’Etat incarne autoritairement l’intérêt général, l’égalité sociale est une obligation : républicanisme, athéisme radical, sacralisation du peuple avec une propension au rejet de ce qui peut lui être différent, « étranger » et ainsi uniformisation de l’homme, violence légale, anarcho-syndicalisme (1). Des Sorel, Blanqui ou Clovis Hugues (député socialiste qui, sous l’autorité de B. Delanoë, a maintenant une rue à son nom dans Paris…) et de nombreux autres, en sont des figures différentes.
Enfin, dernière influence à noter, le positivisme, ou scientisme. Tout doit pouvoir s’expliquer par la science, et la science doit pouvoir permettre de maîtriser le monde. Par exemple, les thèses de Darwin sont utilisées dans des postures politiques. Marx et Engels en seront eux-mêmes affectés (2). D’autres y puiseront leurs vérités scientifiques pour des thèses racialistes (Georges Vacher de Lapouge, Houston S. Chamberlain, Guido Von List, Ernst Niekisch, Ewald Banse, etc.) s’insinuant dans nombre de départements intellectuels (3). Ce courant aura quelqu’influence sur les nationaux-socialistes.

Ces différents courants intellectuels ont évolué, grossi pour certains, jusque la guerre de 1914 et la révolution, ou plutôt coup d’Etat, bolchevik. Ces deux éléments sont de véritables matrices pour les fascismes.
La guerre de 1914, « la grande boucherie », tend la guerre vers une forme nouvelle : mobilisation totale des peuples et des ressources, nécessité d’un alibi politique pour la légitimer, mécanisation.
L’horreur des tranchées a suscité un sentiment de fraternité des hommes, quelque soit leur catégorie, religion, et même culture. La puissance mécanique et des explosifs n’ont pas éteint la vitalité de l’homme, au contraire : l’homme, ce guerrier des tranchées enseveli par la gadoue et la pourriture, côtoyant quotidiennement les rats, la faim et la mort, subissant des ordres souvent surréalistes, sort de la guerre maître de la machine et de l’aléatoire par sa seule volonté (4).

Le coup d’Etat bolchevik agit d’une double façon. Il s’agit de la réussite de la prise du pouvoir par une minorité à l’aide de groupes armés efficaces, de la mise en place d’une politique radicale faisant table rase du passé, de l’utilisation de la violence, de la terreur comme moyen politique, de la création d’un « homme nouveau », de la volonté politique comme domination sur l’histoire et les cultures. Mais il s’agit aussi de faire passer un territoire et ses peuples du servage et de la féodalité à la modernité industrielle, de la mise en place d’un système politique comme forme nouvelle de religion séculière : la politique de l’absolu par des moyens absolus.

(1) Marc Crapez, « La gauche réactionnaire », Berg International Editeurs

(2) Raymond Aron, « Le marxisme de Marx », ed. Fallois ; Jacques Attali, « Karl Marx ou l’esprit du monde », Le livre de poche

(3) Armin Mohler, « La révolution conservatrice en Allemagne, 1918-1932 », ed Pardès

(4) Ernst Jünger, « Orages d’acier », ed. Le livre de poche ; Gabrielle d’Annunzio, « Nocturne », ed. Les Transbordeurs