Maria Callas assoluta...

Publié le 19 septembre 2007 par La Fille Aux Chaussures
J'avoue que je suis de ceux que l'opéra émeut. Et en matière d'émotion, la Callas reste pour moi une étoile à tout jamais inégalable.
Pour rendre hommage, à l'hellénique, Arte diffuse ce soir un très beau commentaire à ne pas rater.
Enfin un portrait digne de la Callas ! Documenté, précis, factuel, soutenu par un commentaire très écrit, dont les mots soupesés évitent l’éloge affecté. Rien n’est omis de sa vie et de sa carrière tumultueuse, mais évoqué avec tact – que ce soit ses compromissions avec l’occupant à Athènes, ou le côté petite-bourgeoise de celle qui lutta pour accéder au rang de déesse, petite fille et monstre à la fois. Soulignons que le réalisateur a le bon goût de ne jamais faire intervenir ceux qui l’ont connue ou entendue, cohorte idolâtre et bêlante transhumant depuis trente ans de documentaire en documentaire.
Dans un montage serré, des images d’actualité évitent l’overdose de photos de la cantatrice. De judicieux arrière-plans sonores servent à la fois de plans de coupe et se chargent d’une émotion qu’une parole superflue alourdirait. Comme il existe très peu de représentations filmées de la grande époque Callas, Philippe Koh­ly choisit d’utiliser avec parcimonie les extraits existants, où s’amorce et se consume le déclin de l’incomparable déesse du chant. Il privilégie donc les grands enregistrements planant sur les costumes de scène qu’elle porta, sur les croquis de décors qu’elle habita, fantôme ressuscité de l’au-delà le temps d’une représentation imaginaire.
Les bribes d’interviews ou d’émissions auxquelles participa Callas sont alors serties avec pertinence. Aujourd’hui, aucun artiste n’oserait pousser un tel coup de gueule, quand, en 1958, aux Etats-Unis, face à une brassée de micros, elle dénonce à propos du Met (Metropolitan Opera) les productions poussiéreuses et paresseuses, la routine, des distributions changeant tous les soirs. « Une actrice disciplinée, acharnée, scrupuleuse, perfectionniste dans le moindre détail », souligne ailleurs Luchino Vis­conti, devant elle, qui répond : « C’est ce plus qui fait de beaux spectacles. »
Un des passages les plus lumineux de ce portrait tient en « peu » de choses. La tragédienne explique : « Avant de chanter une phrase, il faut la traduire sur son visage pour la donner au public. C’est toute la beauté du bel canto : permettre au public de lire dans vos pensées avant d’entendre le chant. » Philippe Kohly propose alors un extrait de récital où elle s’apprête à toréer don José, dans Carmen. Sur les quelques mesures d’introduction musicales à l’air, le défi dans la pose alterne avec l’abandon bravache, sous le regard acéré comme une banderille la main dessine presque des figures. L’extrait est coupé avant la première note chantée… Magistral. L’air, si célèbre, devient presque superflu. Illusion de l’art. Comme ce film qui abolit nos repères entre documentaire, fiction, roman du réel.
  

Maria Calla assoluta - 20H40- Arte