A 20 ans, Hugues ramène Tancrède en Sicile se faire reconnaître et prendre possession de son fief. Ceux qui ont lu les tomes précédents ont connu son périple et l’affection profonde qui le lie à son père adoptif Hugues. Il en a fait un homme, vigoureux, habile et avisé. Mais à 20 ans il est temps de voler de ses propres ailes. Tancrède va découvrir son pays. La Sicile est une terre cosmopolite où se côtoient Normands, Lombards, Byzantins, Levantins et Maghrébins. Chrétiens et Musulmans cohabitent comme dans l’Espagne d’avant la Reconquête. Le savoir scientifique et médical venu des Grecs circule, tout comme les marchandises. Les fidélités sont féodales plus que religieuses et les mœurs prennent des diverses cultures. C’est ainsi que le roi normand est assisté d’un émir, à la fois maire du palais et général de la garde. Il possède un harem où se côtoient quelques dizaines de femmes, de la plus jeune, à peine nubile et sensuelle à la plus avisée, devenue Conseillère. Les marchands se coulent dans les rivalités pour vendre des renseignements en plus de leurs tissus ou huiles. Des gamins partis du ruisseau se haussent à la richesse. Les rebelles félons sont emprisonnés et ont leurs yeux crevés. Leurs enfants sont vendus comme esclaves. Autour de la Galca de Palerme, le quartier royal entouré de murs, grouille la vie des quartiers, ouverts sur le port et sur la campagne. Les intrigues fleurissent, les passions se consument.
C’est tout cet univers foisonnant et chatoyant que nous conte Viviane Moore. Mi-celte, mi-latine, née à Hongkong d’un architecte et d’une maîtresse verrier, l’auteur est elle-même tiraillée entre ses origines, plus apte qu’une autre à nous faire ressentir la richesse et l’ambiguïté du métissage des cultures. La Sicile est ce laboratoire médiéval de la rencontre des deux civilisations majeures de l’époque. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les tomes précédents pour apprécier le roman, d’autant qu’une intrigue policière vient pimenter le propos. Des gardes vétérans proches de l’émir sont assassinés en silence dans les couloirs du palais. Sur leurs corps un papier énigmatique qui fait référence à la secte des Assassins. Un eunuque, sans papier, perd la vie dans le harem. Un chevalier emprisonné pour félonie s’est évadé. La couronne ducale a été dérobée dans le Trésor. Prépare-t-on un coup d’Etat ? Et au profit de qui ? L’émir, féru du jeu d’échec (d’origine persane), fait des hommes qui comptent des pions sur son jeu personnel. Tancrède le blond se retrouve sur le damier avec Hugues son mentor. A eux de découvrir qui assassine, avec pour prix : leur propre vie qui risque de pourrir dans une basse fosse, les yeux crevés, s’ils échouent.
Viviane Moore, Le Hors Venu, 2007 éditions 10/18, 313 pages, 7.51€