A las cinco de la manana…
« Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites »
Matthieu 22, 34-40
Un plan f(l)oirac
Cette année, les contrôles anti-dopage pour le Tour de France ont commencé visiblement très en amont.
Sans rire, l’interpellation à Floirac (33) de deux gamins de 10 et 6 ans à la sortie de leur école par la police est, parait-il le gros buzz médiatique de la journée. Je vous avoue que je ne sais de quel bord pencher – celui de la police ou celui des victimes, dont le monde enseignant est solidaire.
D’un coté, on voit bien que l’innocence de l’enfance est un concept qui est voie de disparition avancée. On assassine bien pour une colle.
De l’autre, il y a quelque chose de vaguement ridicule à voir débarquer six bonshommes armés pour escorter deux gamins. Après on va nous dire qu’on manque de bras dans la police…
Sarkozy m’a violer
En réalité, lorsqu’on réfléchit au noeud du problème, c’est un cas relativement intéressant.
Tout d’abord, la réaction des enseignants aurait-elle été aussi vive si les policiers étaient venus sonner le soir au domicile ? Je ne le pense pas. Ce qui choque, finalement, c’est que le sanctuaire scolaire soit « souillé« , dans l’esprit du monde enseignant, par les représentants de la force brutale et du kärcher. C’est ressenti, de manière assez irréelle d’ailleurs, comme un « viol » car l’Education nationale se perçoit souvent comme une entreprise « autonome ». Rappelons nous les remous suscités par la tentative du président de la République d’imposer un texte à faire lire par les enseignants.
Le principe qui sous-tend cette logique est que l’école est le temple du savoir, un monde pour les enfants, mineurs et donc non justiciables. Les flics n’ont rien à faire là bas. Je me souviens encore de la mini-polémique suite à l’irruption de policiers dans un collège, où une fouille « brutale » avait eu lieu, après irruption dans les salles. Je soupçonne certains policiers de ne pas savoir adapter leurs méthodes au contexte, et certains enseignants de penser CRS = SS chaque fois qu’ils croisent un képi.
Notons qu’il existe une coutume sur l’Université qui est que les forces de l’ordre ne pénètrent jamais dans les locaux.
Une société sans affectio societatis
Deuxièmement, l’attitude des familles des gamins est également très symptomatique de l’évolution de notre société. La maman a porté plainte, après que son fils interrogé a été innocenté. Notons que c’est une autre maman qui avait porté plainte à la police en affirmant avoir aperçu le gamin sur ledit vélo. Notons aussi que si une attestation a été produite sur le premier vélo, le second aurait été « emprunté ». Encore un qui se croit à Paris sur un velib !
En d’autres lieux, à d’autres époques, les parents se seraient déplacés pour aller voir les parents d’en face pour leur faire part de leur doute sur le vol des vélos. En d’autres lieux, à d’autres époques, une maman aurait été mortifiée de voir ainsi son fils interrogé et aurait d’abord commencé par le sanctionner avant d’imaginer pouvoir poursuivre la police pour avoir fait son enquête.
En réalité, on voit bien qu’autour d’un guidon se nouent deux drames. D’un coté, le drame de la judiciarisation de la société, avec la disparition du lien de voisinage et du dialogue gracieux. Je note qu’aujourd’hui on s’est aperçu qu’un type gardait son père décédé dans sa chambre depuis pluiseurs mois pour toucher l’argent de la retraite. Plus belle la vie…
De l’autre, le drame d’un Etat qui ne sait pas comment appréhender la criminalisation d’enfants de plus en plus jeunes. N’oublions pas que l’enfance n’est pas forcément synonyme d’innocence. Il y a des Etats comme la Colombie où les 9/15 ans s’assassinent comme les grands dans les guerres de gangs. Il y a en a d’autres comme en Somalie, où les enfants-soldats sont légions.
Celui qui a fait périr par l’épée, périra par l’épée
Le fait nouveau, c’est que pour une partie de la population, la police est le symbole du Sarkozysme, un gag lorsqu’on connaît son impopularité au sein de la maison poulaga. Il ne s’agit donc pas seulement d’un problème social mais aussi d’un problème politique. J’appellerai ceci « l’affaire de la bicyclette bleue« *.
Il va falloir que le Sarkozysme, qui s’est bâti sur la démonstration de force (les groupes d’intervention dans les banlieues, le renforcement des moyens, etc…) invente un nouveau concept de dissuasion du fort au faible.
Car, de la même manière que l’étalage de muscles de G.W. Bush en Afghanistan contre les talibans a fini par faire basculer une partie de l’opinion publique dans le camp adverse, le déploiement policier face à des bouts de chou (surtout en Gironde !), même coupables, fait lui aussi des vagues…et servira de programme électoral à la gauche en 2012, sur le thème du recul de l’Etat de droit et de la police de Vichy.
Tout ça pour un vélo, dont Sarkozy est tellement friand. Comme quoi, qui a péché par le vélo, périra…
* Ce gag ne peut se comprendre qu’en rapport avec le fond de l’article et le résumé du livre éponyme qui se déroule en Gironde pendant l’Occupation.
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