C'est la fin du printemps ou le début de l'été, en tout cas il fait chaud. Ils ont voyagé toute la journée, ils arrivent d'un Etat du Sud car il a lu dans le journal que General Motors engageait du personnel pour ses usines de Détroit. Ils ont tout abandonné, vendu la petite maison en bois, chargé leurs quelques meubles et biens sur le toit de la voiture et les voilà dans le Michigan, dans ce petit hôtel minable près de la gare où ils ont trouvé une chambre, pas trop chère et dans leurs moyens.
Le jour décline, la touffeur s'estompe mais bien que la fenêtre soit grande ouverte, nul brin d'air ne vient aérer la chambre. Elle, a fait une rapide toilette pour se rafraîchir et maintenant, assise dans le fauteuil en combinaison, les cheveux libres, elle se repose en lisant quelques versets de la Bible de Gédéon trouvée dans le tiroir de la table de chevet. Lui, a tombé la veste, il fume en regardant par la fenêtre et bien que le mur en vis-à-vis tout proche lui bouche l'horizon, il n'en a cure car en fait il pense. Il réfléchit à leur avenir, à l'entretien d'embauche prévu pour demain matin. Néanmoins il est confiant, en ce début des années cinquante l'Amérique est en train d'inventer la modernité, la campagne présidentielle bat son plein, d'ailleurs il entend au loin les échos d'un meeting de soutien à Eisenhower. Elle et lui ne sont pas inquiets, ils savent que l'avenir s'annonce superbe, ils ont laissé derrière eux la gangrène de la misère, ils ont foi dans leurs capacités, ils font confiance à leur pays et Dieu marche à leurs côtés.
Hôtel près d'une voie ferrée (Hotel by a railroad ) de Edward Hopper (1882-1967). Huile sur toile 79,4 x 101,9 cm peinte en 1952 et conservée au Smithsonian Institution.