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Les Meilleures Définitions du Grand Dictionnaire d'Alexandre Dumas : l'oignon

Par Thierry Roussillon

Aujourd'hui, c'est à l'oignon que Dumas s'intéresse. Voyons ce qu'il en dit...

Oignon. - Si pour bien parler d'un sujet, il faut avoir ce

sujet sous les yeux, c'est providentiellement que j'ai été

conduit à Roscoff au moment où le mot oignon allait se

présenter sous ma plume. En effet, plus que l'ancienne

Egypte, cette pointe de l'Armorique donne à croire que,

lors de la guerre des dieux contre Jupiter, les vaincus,

poursuivis jusqu'au bout du continent, voyant que la terre

leur manquait pour aller plus loin, se sont changés en

oignons pour fuir la colère de Jupiter; dans aucune localité

de la France, ce bulbe, si vanté de l'Antiquité, que les

poètes ont chanté, et auquel les Egyptiens ont rendu les

honneurs divins, ne se trouve réuni en pareille quantité.

Il y a des années où Roscoff envoie jusqu'à trente ou

quarante vaisseaux chargés d'oignons en Angleterre. Ce

fut un homme du pays qui eut le premier l'idée de faire

cette spéculation; mais, pour acclimater du premier coup

l'oignon français en Angleterre et affirmer sa supériorité

sur le bulbe britannique, il fallait un coup d'audace qui eut

du retentissement.

Ce Roscovite vint un jour trouver M. Corbière, auteur

de plusieurs romans maritimes et officier au long cours,

demeurant à Roscoff, et lui demanda comment on disait

en anglais: L'oignon anglais n'est pas bon. Celui à qui l'on

venait de demander ce renseignement répondit:

The English onion is not good.

. Soyez assez bon pour me mettre cela sur un papier,

monsieur, demanda le Roscovite.

M. Corbière prit une plume et écrivit la phrase

réclamée. Le Roscovite remercia.

Trois jours après on le vit partir pour Londres avec un

sloop chargé d'oignons. Arrivé dans la capitale de

l'Angleterre, il alla droit au marché le plus fréquenté,

déploya une pancarte sur laquelle était écrite en grosses

lettres la maxime suivante:

The English onion is not good. Et puis, au-dessous de

sa pancarte, il amena une petite charrette pleine d'oignons

français.

On connaît les Anglais; ils n'étaient point hommes à

supporter un pareil affront. L'un d'eux s'approcha et

adressa la parole au marchand étranger; celui-ci, qui ne

savait pas un mot d'anglais, se contenta de répondre:

The English onion is not good.

Cette réponse exaspéra l'Anglais; il s'approcha du

Roscovite en étendant vers lui ses deux poings.

Le Roscovite ne savait pas ce que l'Anglais voulait dire,

mais voyait bien qu'il était menacé. Il prit l'Anglais par le

coude, et, lui imprimant le mouvement d'une toupie, lui fit

faire trois tours sur lui-même; au bout du troisième tour,

l'Anglais tomba; il se releva furieux, et revint sur son

adversaire, toujours en garde. Le Roscovite avait près de

six pieds; il était vigoureux comme son dieu Teutatès; il

le prit à bras le corps, l'enleva entre ses bras, et le jeta à

plat ventre.

C'était contre toutes les règles de la lutte; il faut que les

épaules touchent la terre pour que l'un des combattants

soit déclaré vaincu. Aussi le Roscovite reconnut-il qu'il

avait eu tort.

. C'est vrai, c'est vrai, dit-il, en faisant signe de la tête

qu'il s'était trompé; et il se remit en garde, à peu près

comme avait fait l'Anglais. L'Anglais revint sur lui, et,

cette fois, le marchand d'oignons le prit par le col de sa

chemise et par la peau du ventre, le coucha doucement à

terre, de manière à ce que non seulement une épaule, mais

les deux épaules, touchassent bien carrément le sol; il

répéta plusieurs fois le mouvement, en redoublant de

violence chaque fois, jusqu'à ce que l'Anglais eût crié:

Assez! assez!

Alors les cris, les hourras, les bravos éclatèrent; les

Anglais sont, sous le rapport de la force, les plus justes

appréciateurs du mérite qu'il y ait au monde; ils voulurent

porter le marchand d'oignons en triomphe.

. Non pas! non pas! s'écria celui-ci en se mettant en

défense, pendant que vous me porteriez en triomphe, vous

me voleriez mes oignons. Il y avait du vrai dans ce que

disait le pauvre diable; aussi lui acheta-t-on le même jour

tous ses oignons, et le soir fut-il tout entier employé à le

porter en triomphe.

A partir de ce moment, les oignons français eurent

conquis leur droit de bourgeoisie en Angleterre.

Ragoût d'oignons. - Faites cuire des oignons sous la

braise, dans des cendres chaudes; quand ils sont cuits,

pelez-les proprement, mettez-les dans une casserole et les

mouillez d'un coulis clair de veau et de jambon, laissez

mitonner; quand ils sont mitonnés, liez-les d'un peu de

coulis. Vous pouvez y mettre un peu de moutarde, si vous

voulez; servez-vous de ce ragoût pour toutes sortes

d'entrées aux oignons.


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