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Je l'appellerai Vraie Bombe. Ciel noir sur les écoles quand Vraie Bombe débarque avec son mors aux dents. Vraie Bombe, poigne d'airain à vous broyer un
phalangiste, vient prodiguer ses conseils et ses encouragements à un jeune stagiaire de l'iufm. Comment ? Vous rentrez à 13 h 33 au lieu de 13 h 30 ? Je vais faire un rapport. Comment ? Cet
emploi du temps n'est pas conforme ! Je vais le mettre sur mon rapport.
Comment ? Les enfants n'ont pas leurs affaires de sport à 13 h 30 ? C'est une perte de temps. Je vais le mettre sur mon rapport. Achtung ! Schnell ! Le travail rend libre, aurait pu ajouter Vraie
Bombe qui rêve d'écoles concentrationnaires, de préaux casernes, de classes usines !!! Obviously, Vraie Bombe est une pédagogue. L'an passé encore, elle avait une classe. Maintenant, elle attend
le grade de conseillère pédagogique tout en guignant déjà sur celui d'inspectrice... Je l'imagine, cuissardes et badine, fustigeant la pensée qui dépasse, tuant sous son joug Rimbaud et
Baudelaire. J'imagine que demain l'école avec cette rombière sera une nouvelle glaciation et que plus jamais un esprit libre ne soufflera entre les lignes. Je n'ai pas peur pour moi-même, car,
vieux déjà, je me blottis dans un autre monde, mais je plains ce jeune stagiaire. J'espère qu'il ne rencontrera pas souvent Vraie Bombe sur son chemin d'enseignant débutant. J'espère que son
désir de transmettre aux enfants ne sera pas étouffé par de semblables éteignoirs...