Alors, je ne vais pas y aller par quatre chemins : « le journal de grosse patate » qui se joue actuellement à la manufacture des abbesses, est le meilleur spectacle pour enfants de 6 à 12 ans que les Yeux aient vu cette année…
Mis en scène par Eve Nottet (la fée bleue dans Pinocchio), et interprété par Anne-Laure Gruet (excellentissime), « le journal de grosse patate » est à l’origine un magnifique texte tout en finesse de Dominique Richard sélectionné comme oeuvre de référence pour le cycle de primaire par l’éducation nationale.
Dans ce journal, une petite fille dont on ne connaîtra jamais le vrai prénom, partage son quotidien, ses émotions (la joie, le découragement, la jalousie, la solitude, la colère…) et ses questionnements au cours d’une année scolaire. Grosse Patate qui a perdu sa maman est un personnage irrésistiblement attachant. Elle porte un regard immensément intelligent, drôle et vivant sur le monde qui l’entoure.
Grosse Patate, c’est le surnom que ses camarades de classe lui ont donné parce qu’elle aime trop manger.
D’où une réflexion toujours lucide sur la cruauté des enfants entre eux, la différence, le pouvoir, la hiérarchie, mais aussi l’amour, le deuil, l’identité sexuelle.
J’ai personnellement plus que toute autre adoré cette réflexion : « tant qu’on vous dit que vous avez bien grandi, c’est que vous êtes petits… Parce que quand vous êtes grands, on ne vous dit plus que vous grandissez »… Comme c’est juste ça !
En se racontant ainsi jour après jour, grosse patate apprendra à s’accepter.
Anne-Laure Gruet est absolument parfaite dans ce rôle de petite fille espiègle. Non seulement les enfants se projettent en elle et la soutiennent, notamment au moment où elle hésite à envoyer la lettre qu’elle a écrite pour Hubert, son amoureux qui est si beau. Mais en plus les adultes y croient complètement. Elle n’en fait jamais trop ni trop peu. Dès les premières secondes, elle communique une fabuleuse énergie, mais pas excessive. J’ai remarqué que dans les spectacles pour enfants, cet équilibre est très rare. Ses gestes lorsqu’elle mime la maîtresse en colère ou le père désemparé sont d’une parfaite justesse sans être dénués d’humour.
Quant au décor qui représente la chambre de Grosse Patate, tout en simplicité et couleurs acidulées, il évoque parfaitement l’univers doux et sucré de la petite fille.
De la même manière, la tenue de la comédienne est craquante : toute de rouge et de vert vifs, sa salopette courte suggère les rondeurs (que la comédienne n’a pas pour de vrai ! Bien vu ma fille :).
Enfin, la mise en scène est très agréable : des « gingles » tout en légèreté suggèrent le temps qui passe, les changements de tableau se font grâce à des ombres chinoises. Deux chansons acidulées et entraînantes spécialement écrites pour le spectacle par Matthieu Wiggan viennent ponctuer des moments clés. Etc etc etc
Bref, c’est intelligent, beau, entraînant… Il n’y a rien à dire de plus si ce n’est courrez y…
Informations pratiques :
« Le journal de grosse patate » de la compagnie « Sans Interdit », mise en scène de Anne-Laure Gruet et Eve Nottet
Dates : le samedi à 15 h et le dimanche à 11h jusqu’au 12 juillet (relâche exceptionnelle le dimanche 5 juillet)
Durée : 45 minutes
Age : de 6 à 12 ans
Prix : 5 euros sur Billetreduc
Renseignements et réservation au 01-42-33-42-03
Lieu :
La manufacture des Abbesses
7 rue Véron, 75 018 Paris
M° Abbesses ou Blanche