Invité en guise de changement de décor, à lire trois minutes de texte sur l’art du théâtre à la suite du directeur du théâtre et d’un comédien, j’ai donné ce petit montage :
L’intellectuel irrite l’homme cultivé comme l’adolescent irrite l’adulte, non par l’audace de ses idées mais par la banalité de ses présomptions.
Nicolas Gomez Davila
[Je précisai ensuite, pour la compréhension de l’auditoire, que ce qui est nommé régie dans le texte qui suit est ordinairement nommé mise en scène, et régisseur metteur en scène.]
La mise en scène est-elle une création ou une interprétation ?
Le créateur, au théâtre, c’est l’auteur. Dans la mesure où il nous apporte l’essentiel. Quand les vertus dramatiques et philosophiques de son œuvre sont telles qu’elles ne nous permettent aucune possibilité de création personnelle, lorsque nous nous sentons encore, après chaque représentation, son débiteur. Ce qui ne signifie pas que l’œuvre soit parfaite. La perfection d’ailleurs, c’est Voltaire dramaturge.
Donner son sens, par le jeu des corps et de l’âme des interprètes, à une scène de Shakespeare par exemple, est une tâche qui exige du régisseur l’emploi de toutes ses facultés d’artiste, mais ça n’est jamais qu’une œuvre d’interprétation. Le texte est là, riche au moins d’indications scéniques incluses dans les répliques mêmes des personnages (mise en place, réflexes, attitudes, décors, costumes, etc…). Il faut avoir la sagesse de s’y conformer. Tout ec qui est créé hors de ses indications est « mise en scène » et doit être de ce fait méprisé. Et rejeté. J’ai pris l’exemple de Shakespeare parce que chacune de ses œuvres offre au régisseur trop imaginatif l’illusion et les tentations de la création. Ce n’est pas l’imagination du régisseur qui doit ici imposer la vue d’un personnage, cela est insupportable ; c’est le personnage qui, suffisamment dépouillé, doit rester « ouvert » à l’imagination du public. Ce dépouillement, facilité déjà par les rares indications scéniques de Shakespeare, implique bien entendu un jeu plastique ordonné, sans bavure, mais exige par contre du comédien une sensibilité toujours frémissante, toujours en contact avec le public.
Je me permets d’ajouter que si le régisseur faisant « répéter » un chef d’œuvre se considère comme un créateur, j’en dirais autant des comédiens. Et du public aussi, pourquoi non ? Rappelez-vous cette boutade des vieux comédiens : « l’auteur écrit une pièce, le comédien en joue une autre, le public en comprend une troisième ». Mais alors, je vous le demande, qui sera un interprète ? Quand ça ne serait que pour donner un sens précis à chaque mot de notre profession, il serait indispensable de s’en tenir à une distinction raisonnable en ce qui concerne les notions de créateur et d’interprètes.
Il reste cependant un champ clos où le metteur en scène affamé de création peut trouver pâture à son génie dévorant : lorsque la pièce est nulle ; lorsqu’elle n’est plus, à l’implacable usure des répétitions, qu’un prétexte, un inévitable aide-mémoire. Parmi les pratiques du comédien, il existe cependant un art authentique de création. Celui du Mime. « Un canevas, et mon corps parle. »
Jean Vilar
[J’ajoute que l’art du mime a certainement disparu avec le respect, et donc la possibilité, du silence.]
Lorsque la rouerie commerciale des uns exploite la crédulité culturelle des autres, on parle de diffusion de la culture.
Nicolas Gomez Davila