Le groupe franco-hollandais garde la tête haute.
Air France-KLM affiche ses premières pertes en même temps que la tranquille assurance d’une entreprise qui se sent suffisamment forte pour traverser la récession mondiale sans dommages durables. C’est un privilège rare.
Le résultat d’exploitation de l’exercice 2008/2009 est négatif à hauteur de 129 millions d’euros mais c’est une goutte d’eau par rapport à un chiffre d’affaires qui frise les 24 milliards. Reste le fait qu’il ne faudrait pas non plus tirer de ce relatif succès un optimisme béat. A vrai dire, il est difficile de se faire une opinion, tant le contexte est volatile.
Pierre-Henri Gourgeon, directeur général, désormais seul maître à bord depuis que Jean-Cyril Spinetta se contente de la présidence, apparaît plutôt serein. Cela, tout simplement, si l’on ose dire, parce qu’il se dit convaincu que la baisse du trafic a probablement atteint son niveau le plus bas. En d’autres termes, la situation ne peut que s’améliorer.
Entre-temps, debout sur les freins comme peuvent l’être des dirigeants de compagnies aériennes, c’est-à-dire en lutte contre la formidable inertie d’une machine massive et complexe, voici l’équipe Air France-KLM en train de réduire la capacité, de reporter des livraisons d’avions à des jours meilleurs, de réduire les effectifs (mais sans licencier) et de comprimer encore et toujours les coûts.
Le pire serait-il déjà passé ? Personne ne peut répondre à la question en connaissance de cause. D’où l’obligation de considérer ces résultats 2008/2009 avec prudence, sinon circonspection. Le premier semestre a été bon, le second détestable et la moyenne pondérée sur 12 mois donne un résultat qui n’a rien de catastrophique. Reste le fait que l’exercice 2009/2010 s’annonce comme un cap difficile à passer. Cette fois-ci, ce sont les deux semestres qui seront mauvais, encore que le prix apaisé du kérosène contribue à détendre quelque peu l’atmosphère. Philippe Calavia, directeur financier, dit que l’exercice clôturé le 31 mars présente un profil singulier. Tout homme de chiffres qu’il est, il a le sens de la formule. Pierre-Henri Gourgeon préfère, lui, évoquer un monde très incertain.
Il s’agit aussi de savoir comment va se comporter la clientèle. Première classe et classe affaires se sont vidées, ou presque, les déplacements professionnels tendant à se raréfier ou à se faire petitement. Peter Hartman, patron de KLM, résume la situation en disant que la «classe avant» est affaiblie tandis que la «classe arrière» fait de la résistance. D’où des recettes en berne et, au-delà, des coefficients d’occupation en retrait, bien que la capacité offerte soit en nette diminution.
Il s’agit désormais de savoir si les sacro-saints passagers à haute contribution qui se sont évaporés au fil de ces derniers mois reviendront sans trop se faire prier. Et à partir de quel moment, la reprise devenant une réalité. La question relève de la psychologie et non pas du marketing.
Contrairement à nombre de leurs homologues, Gourgeon, Hartman et Calavia ont un message subliminal à faire passer : pendant la récession, la vie suit son cours et l’avenir continue de se construire. Il s’agit, dans leur jargon, de poursuivre la mise en place de relais de croissance.
L’expression, élégante comme un bon sous-titre de rapport annuel, n’est pas vaine. Ainsi, le partenariat avec Delta (qui a absorbé Northwest) va donner naissance à une compagnie virtuelle affichant un chiffre d’affaires annuel de 12 milliards de dollars. Ce sera une arme redoutable face aux ambitions de la concurrence sur l’Atlantique. De plus, l’alliance SkyTeam se renforce et se dote d’un management centralisé. Par ailleurs, la nouvelle Alitalia (la prise de participation de 25% est maintenant réalité) est susceptible de tenir ses promesses, produit d’ores et déjà des synergies, et serait «en ligne avec son budget». Une première dans l’histoire de la compagnie italienne, pour autant que l’information soit confirmée.
Un peu moins de personnel (107.300 personnes au 31 mars, contre 110.000 précédemment), des livraisons d’avions ralenties, la recherche forcenée de nouvelles économies : Air France-KLM se bat sur tous les fronts. Elle le fait avec conviction en même temps qu’un soupçon d’optimisme. «Nous sommes extrêmement prudents», martèle Pierre-Henri Gourgeon. Il se risque à ajouter qu’il croit percevoir un début de stabilisation de la crise, premier signe annonciateur de jours meilleurs. Sachant que ce n’est pas le genre de la maison de prendre ses rêves pour la réalité, c’est là une remarque douce aux oreilles de l’aviation commerciale tout entière.
Pierre Sparaco-AeroMorning