Vous avez suivi nos péripéties sur l’atoll Toau. Je voulais vous inviter à venir déguster les langoustes qui me revenaient après ce périple. C’est un peu loin pour vous, toutefois… Alors j’ai convié un couple d’amis popaa. J’ai acquis un barbecue électrique, coupé en deux les langoustes avec les maigres ustensiles dont je dispose, et j’ai attendu mes amis sur le balcon. A. était ravi de se transformer en rôtisseur de langoustes ! Il avait amené un petit vin blanc fort agréable. Nous avons trinqué aux popaa absents et dégusté chacun deux langoustes ! C’est un délice. J’ai beaucoup regretté votre absence. Mais enfin, ces langoustes se morfondaient dans mon congélateur…
Cette année, c’est la municipalité de Punaauia qui a organisé samedi 30 juin la fête de l’orange. Ce jour est férié pour cause de fête de l’autonomie. Les porteurs d’oranges sont descendus du plateau de Tamanu avec leurs fruits. C’est un parcours difficile, il faut monter d’abord sur le plateau avant d’en redescendre… et cela par des chemins « inexistants ». Il faut les nettoyer à la machette, cueillir les oranges bien dorées, les glisser dans un filet, fixer ces filets sur un bambou – et redescendre à Punaauia. Déjà dur, ce parcours l’était d’autant plus cette année que la pluie avait rendue les sentiers particulièrement glissants ! Le champion est pompier à Punaauia. Son record reste à battre : 112 kilos d’oranges redescendus du plateau à dos d’homme, jusqu’à la Mairie.
La goyave, c’est bon, mais le goyavier commun n’est pas d’origine à Tahiti, il aurait été introduit au 19ème siècle. Son origine ? Le Brésil en 1815 ? Hawaï en 1824 ? Nul ne sait vraiment. Mais il s’est propagé dans toutes les îles hautes, a étouffé la végétation indigène des plaines et collines. Il n’a reculé seulement que sous l’assaut des lantanas. Il demeure aujourd’hui dans certaines zones, pour la plupart escarpées. Au début du 20ème siècle existaient à Tahiti de petites unités de production artisanales fabriquant des gelées et des confitures de goyave. Mais la rareté de la matière première aujourd’hui, qui pousse dans des zones peu accessibles à flanc de montagne, et le coût de la main d’œuvre à la française, ont eu raison de ces petites fabriques qui ont dû fermer leurs portes.
Le cocotier a été introduit sur la totalité des atolls par les missionnaires. Les premières plantations organisées datent de 1860 pour produire du coprah et leur exploitation maximum a été dans les années 1970. Depuis, la production a fortement chuté, les coûts français polynésiens n’étant pas compétitifs. Un cocotier commence à produire après 6 ans et vit une centaine d’années. Il donne en moyenne 60 noix par an. Pour obtenir un kilo de coprah, il faut 3 noix. Une fois ouverte en deux, la chair de la noix est mise à sécher.
Mais, outre l’eau à boire, très saine, la chair peut être consommée à différents stades de formation de la noix. Au début, sa chair molle se donne aux bébés ; à maturité, elle sert d’aliment au bétail et aux porcs… Le ‘kaipoa’, spécialité des Tuamotu, c’est le coco vert, au premier stade de sa maturation. Il est sans pulpe et l’on en croque la coque molle et fibreuse. Un jus très agréable en sort et l’on recrache la fibre.
Râpée, la noix donne le lait de coco, base de la cuisine tahitienne, surtout avec le poisson cru. Le ‘miti haari’ est du lait de coco, de l’eau de mer et du citron. La farine de coco râpée sert en pâtisserie. Le ‘taioro’ est du coco râpé fermenté avec des crevettes de rivière (chevrettes) ou des crabes de plage.
Le ‘uto’, boule spongieuse formée dans le coco germé est excellent. J’y ai goûté sur le motu et j’ai eu l’impression de manger l’éponge de la douche ! Le cœur du cocotier est très bon, mais on le sert seulement quand l’arbre est sacrifié. La fleur de coco encore fermée (‘oroherohe’) donne un liquide sucré qui était jadis le seul sucre des Tuamotu. Le vin de palme contient 17% de sucre. Distillé, il devient eau-de-vie titrant jusqu’à 60°, de couleur violette, appelée ‘komoko puaka’. Mille excuses, je n’en ai pas encore goûté.
Malgré ce beau tableau, les cocotiers sont malades. Manque d’entretien, rats, sécheresse, parasites, vieillissement des plantations – tout concourt à leur disparition ! Le rat, excellent grimpeur, se nourrit des jeunes noix en les perçant. L’unique parade consiste à fixer autour du tronc une plaque métallique sur laquelle le rat glisse et ne peut plus poursuivre son ascension.
Le ‘komo puaka’ (« eau de cochon ») remplace la bière.
Dans 20 litres d’eau douce, ajoutez 4 kg de sucre et un bol de levure. Laissez reposer trois semaines, enlevez les dépôts en filtrant. Mettez-y des fruits coupés. La semaine suivante, vous pourrez vous enivrer…
Astuce : Le ‘gafaleau’ est composé de sucre, d’eau, de Nescafé et d’alcool à brûler. Il n’a pas besoin de fermenter et vous pouvez vous enivrer tout de suite !
Sabine