Question : les parents d’élèves fument-ils la moquette, et/ou sont-ils juste de pauvres choses hyper lavées-stressées-effrayées par l’école ? Franchement la question se pose à l’examen depuis quelques semaines des succès de librairies de la rentrée. Car si dans la catégorie essais, la Défaite en chantant (sifflotée par Claude Allègre, Plon) joue la tête de gondole, il est talonné par deux ouvrages aux titres pourtant peu ébouriffants : Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? 2007-2008 (XO Editions) et le non moins surprenant Qu’apprend-on à l’école maternelle ? 2007-2008 (XO Editions).
«Accessible». «J’ai répondu à cet appel d’offres, raconte l’éditeur Bernard Fixot (XO Editions) qui publie ces programmes avec le Centre national de la documentation pédagogique (CNDP). J’aimais vraiment cette idée et je voulais en faire un succès de librairie. Alors j’ai demandé à Claire Brétecher de faire les couvertures sympas, j’ai soigné la maquette et je me suis battu avec les gens de l’Education nationale pour que ce soit le plus accessible possible… c’est vrai, ça pourrait l’être encore davantage.» Mais passons, pas facile de causer français de base au pays des «outils scripteurs» et des «référentiels bondissants»… La première édition sort il y a six ans (programmes 2002-2003). A l’époque, plutôt confidentielle. Elle est complétée l’an passée, par le Socle commun de connaissances et de compétences, sur tout ce que nos enfants doivent savoir sur l’école et le collège et voilà des rayons de librairies qui se transforment en machines à bachoter la scolarité. Beurk, comme diraient les mômes ? L’an passé les programmes de l’élémentaire et de la maternelle se sont écoulés à 40 000 exemplaires chacun. Pas gigantesque. Mais quand même. Et cette année ? Les scores devraient être bons selon Bernard Fixot. Merci qui ? Merci au rapport du Haut conseil à l’éducation sur le primaire, qui dès la fin août vous a jeté un bon coup de flip dans les familles et d’emblée boosté les ventes. Merci aussi à l’angoisse ambiante. Croissante.
«Devanture». «Ces bouquins, je ne me souviens plus de leur apparition. Mais depuis l’an dernier, je les mets dans ma devanture… On me les demande. Je les vends bien.» explique Ernest Centofanti, libraire l’Apostrophe dans le XII e arrondissement. Si d’aventure il ose un «ça va vous barber», le parent a toutes sortes de réponses dans son sac : «C’est pour mieux pouvoir dialoguer avec l’instit’», «pour accompagner», «mon enfant ne me dit rien, comme ça je sais ce qu’il apprend»… Mais au fond, résume-t-il, « c’est insensé ce que les parents sont angoissés ! Vous savez j’en ai vu se mettre en transe parce que je ne pouvais pas avoir en vingt-quatre heures un livre scolaire pour un enfant qui était dans une petite classe. Alors…» Alors, il y a quand même une consolation dans ce monde d’anxiété. Cette semaine, un nouveau bouquin vient d’entrer dans le hit parade des meilleures ventes. Son nom : Cahier des gribouillages pour les adultes qui veulent TOUT PLAQUER . Ça c’est un programme !