Chapitre 3
"Mesdames et Messieurs les membres du comité de lecture.
Je sais le nombre de manuscrits que vous recevez, alors je ne vous ferai pas perdre votre temps et j'irai droit au but. J'ai écrit ce roman suite à une expérience personnelle qui m'est réellement arrivée mais je pense qu'elle est universelle ou du moins qu'elle peut intéresser beaucoup de monde.
Il s'agit d'une histoire d'amour- je vous entends penser "encore une histoire d'amour?"- certes, mais celle-ci se déroule en Afrique et se termine par un rebondissement peu banal. Je suis prête à la retravailler, mais dans certaines limites, car je crois que les compromis ne sont pas toujours bons, comme le découvrit l'héroïne à la fin du récit, lorsqu'elle quitte son mari sans le prêvenir, mais je ne voudrais pas déflorer l'histoire- si on peut dire.
N'hésitez pas à m'appeler quand vous aurez fini de lire. En vous remerciant cordialement pour votre attention bienveillante, je vous prie d'agréer, Mesdames et Messieurs les membres du comité de lecture, l'expression de mes sentiments distingués.
Nathalie Blanchot "
Au commencement était N., jeune fille de diplomate français dans un pays d'Afrique noire. N. a seize ans lorsqu'elle tombe amoureuse deu premier secrétaire de l'ambassade d'Allemagne. Leur amour est impossible. Contre l'avis de leurs familles, ils se marient le jours des ses dix-huit ans. il la trompe. Elle le quitte. il la supplie de revenir mais elle refuse. rongé par le chagrin, il se suicide en se jetant sous une locomotive. Fin du roman.
J'ai eu l'impression, moi aussi, de m'être fait rouler dessus par un train. Dehors la nuit était calme et j'ai été surpris de constater qu'il était si tard. Il m'avait fallu trois bonnes heures pour venir à bout de l'histoire et je sortais épuisé de cette expérience. J'ai essayé de me souvenir ce que j'avais éprouvé en mon temps, lorsque j'avais adressé mon premier manuscrit à quelques éditeurs. Mais comme un journal daté de la veille, tout ce qui est remonté à la surface m'a semblé sans intérêt. Les sentiments mêlés d'espoir, de prétention et d'impudeur, ainsi que la honte d'avoir pu croire que ma vie allait en être changée, tout ceci m'a donné l'envie irrésistible de m'asseoir à mon bureau et d'écrire dans l'urgence une scène de meurtre sordide dont j'avais le secret afin de me laver d'un coup de toute nostalgie et de ce romantisme de jeune fille que je pensais enterré.../..." -extrait de -voyager léger- de julien bouissoux- éditions de l'olivier-