«Les élections européennes ont cette année une importance exceptionnelle. L’ampleur et la durabilité de la crise mondiale devraient susciter une remise à plat fondamentale des orientations de l’Union européenne. Alors que les Etats-Unis visent la lutte contre le gaspillage énergétique, la priorité à l’éducation, à l’assurance maladie et aux infrastructures publiques de transport collectif, comment s’accrocher aux dogmes de la concurrence généralisée, de l’absence de politique monétaire démocratiquement légitime, de la destruction des entreprises publiques et du « moins-disant budgétaire » ?
Le séisme financier a accouché d’une nouvelle « gouvernance » mondiale. Si décevant que soit le bilan de Londres, le passage du « G8 » au « G20 » est un tournant historique : le tour de table rassemble 85 % de la richesse planétaire et 75 % de la population mondiale, avec des nouveaux venus de poids (Chine, Inde, Brésil).
Mais ce n’est pas le G20, club de puissants mêlant démocraties et régimes autoritaires, qui construira un pouvoir légitime face aux errements des marchés mondiaux. En finir avec l’irresponsabilité écologique, avec les inégalités gigantesques, avec la prédation spéculative et la marchandisation sans freins, suppose un projet politique porté par les citoyens et les peuples, avec des alliances pouvant peser dans un monde multipolaire.
L’Europe, espace de démocratie, de respect des droits et de protection sociale très supérieur à la moyenne mondiale, et première puissance économique et sociale planétaire, va-t-elle substituer à la dérégulation, aux privatisations, au dumping social et fiscal la construction de solidarités effectives et l'harmonisation par le haut des modèles sociaux de ses Etats membres ? Va-t-elle rompre avec un fonctionnement institutionnel éloigné des citoyens, avec l'obsession sécuritaire du fichage et de la surveillance, avec une politique migratoire de forteresse assiégée alimentant la xénophobie ?
La montée en puissance du Parlement européen, désormais presque toujours co-législateur, offre aux citoyens européens – aux citoyens des Etats membres, puisque des dizaines de millions de résidents « non communautaires » restent injustement privés de leur droit civique – le pouvoir de choisir ce que sera demain l’Union européenne. A condition que ce Parlement devienne un lieu de débats effectifs et de constructions d'alternatives crédibles.
Le 7 juin est un moment historique pour construire une véritable réponse à la crise du capitalisme financiarisé et dérégulé, pour penser autrement l’Europe de ce XXIe siècle qui vient de commencer réellement. Il est peut-être encore temps pour instaurer un débat sur les grandes orientations des cinq prochaines années et motiver les électeurs à venir exprimer leur choix.»
(Communiqué de la Ligue des droits de l'homme)