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Harkis, ce qu’il faut savoir après les accords d’Evian…

Publié le 19 mai 2009 par Harki45

La France a t-elle abandonné les harkis en Algérie ?

La République a commis en 1962, en Algérie, un crime d’État diront certains. En laissant les supplétifs algériens qu’il avait employés, le gouvernement français les a sciemment exposés aux massacres qui ont été commis.

Les pouvoirs publics français sont-ils aujourd’hui fautifs d’avoir abandonné les harkis en Algérie, abandon qui atteindra son summum avec les massacres dont ils furent l’objet.

Mais qu’en est-il réellement ?

Le plan initial de transfert devait se limiter à quelques milliers de personnes menacées et s’arrêter au 30 juin 1962, soit quelques jours avant l’indépendance et la mise en place officielle d’un gouvernement algérien. Le chiffre de 10 500 personnes à transférer a même été avancé dans le cadre de ce plan. Face aux massacres massifs des anciens supplétifs et autres Algériens suspectés d’avoir été « pro-Français » à partir du mois de juillet, se généralisant à

l’ensemble du territoire jusqu’en septembre, les unités des Forces armées françaises en Algérie ( FAFA ), présentes jusqu’à la fin de l’année 1964 par application des Accords d’Évian, recueillent une masse de plus en plus importante de réfugiés fuyant les exactions : anciens supplétifs, anciens militaires engagés ou appelés, civils, seuls, accompagnés ou suivis

de leurs familles…

Ils sont accueillis dans des camps de regroupement comme à Tefeschoun, près d’Alger, des personnes qui viennent se présenter aux postes pour solliciter leur protection. Les soldats ont été interdit d’aller, dans les villages, chercher ces personnes pour procéder à la

récupération des familles. Ces prescriptions « plusieurs fois rappelées mais parfois négligées » ont été tenues d’être appliquées par les responsables militaires devant « le caractère très

exceptionnel que doit prendre désormais l’accueil de réfugiés musulmans et afin de ne pas compromettre le départ des réfugiés actuels », selon la note de service du 13 septembre 1962 du général de brigade Lennuyeux.

Ainsi, des anciens supplétifs se voient parfois refuser l’entrée dans les camps de regroupement et sont parfois assassinés à la vue des militaires français. Malgré les demandes de Pierre Messmer, ministre des Armées, d’arrêter les flux de réfugiés du fait de la

saturation des camps de transit en France et de la faiblesse des opérations de reclassement, le Premier ministre Georges Pompidou exige, le 19 septembre 1962, leur transfert en France : il dit : « J’estime nécessaire d’assurer le transfert en France des anciens supplétifs qui sont actuellement en Algérie et qui sont venus chercher refuge auprès des forces françaises sous la

menace de représailles de leurs compatriotes. » À partir de la fin de l’année 1962 et durant l’année 1963, avec la diminution des afflux de réfugiés, les ordres oscilleront entre politique d’accueil et contrôle strict des entrées par crainte, officiellement, des « éléments douteux ».

L’action des pouvoirs publics à partir de 1963 et surtout 1964 s’oriente vers la libération des anciens supplétifs des prisons algériennes par l’intermédiaire de l’ambassade française à Alger, mais aussi vers l’obtention des autorisations nécessaires pour que les familles qui le désirent, ou qui le peuvent, puissent être rapatriés en France.

En décembre 1962, c’est 7 300 personnes que l’armée héberge, dont 1 000 enfants

de moins de 2 ans. Par crainte de coups de force d’unités de l’ALN ou de tensions sporadiques, ils sont étroitement surveillés.

Malgré la situation politique et malgré les rapports quotidiens présentant la réalité des massacres, des ordres sont émis pour enrayer l’accueil de ces réfugiés. Sous le motif que le temps de réflexion pour leur départ en Algérie était largement dépassé, par crainte d’accueillir des « éléments douteux » chargés de s’infiltrer dans les camps ou des personnes fuyant la situation économique, mais aussi du fait de la saturation réelle des camps d’accueil et de transit en France ( le Larzac dans l’Aveyron et Bourg-Lastic dans le massif Central), les responsables politiques ou militaires édictent des ordres ne niant pas le nécessaire accueil des personnes menacées, mais le restreignant au maximum et interdisant toute sortie des unités pour aller chercher des personnes en danger.

Dans une note de service du 24 août 1962, le général de brigade Le Ray prescrit : « Le respect de l’indépendance du jeune État algérien et le souci d’épargner à la France une surcharge stérile nous font une obligation de n’accorder notre protection qu’à des personnes dignes d’intérêt et réellement menacées pour leur action à nos côtés, à l’exclusion de

toutes autres catégories….

 Étant donné que les intéressés ont eu depuis le cessez-le-feu plus de cinq mois et depuis l’indépendance presque deux mois pour prendre leur décision, l’accueil à accorder devra

être strictement discriminatoire. Cet accueil ne peut concerner que des personnes ayant appartenu aux catégories suivantes : harkis, moghaznis, GMS, GAD, maires, délégués, employés des SAS ou de services spéciaux. L’accueil ne peut être accordé qu’à des personnes pour rejoindre un père, un époux réfugié en France. Du 1er janvier au 15 octobre 1963, sur les 6 243 personnes considérées comme rapatriés musulmans, 5 493 ont été rapatriées par la voie normale de l’armée, 750 par les instances de la Croix-Rouge internationale 501 au mois d’août 1963 et 249 au mois de septembre.

Combien ont été transférées par le biais de l’armée, par les filières clandestines ou individuellement ? Les chiffres précis font défaut. L’estimation la plus fiable, établie à partir du recensement de 1968 et du bureau des naturalisations, qui enregistre le nombre de

déclarations recognitives de nationalité française de 1962 à 1968, estime à environ 140 000 Français musulmans en France, répartis entre 80 000 anciens supplétifs et leurs familles et 55 000 civils, notables, fonctionnaires et militaires.

Ainsi, la thèse de l’abandon s’appuie sur un leitmotiv qui parcourt la politique française vis-à-vis des supplétifs et de leurs familles en 1962 : la majorité d’entre eux doit rester en Algérie, leur présence massive en France n’est pas souhaitée. Tous les moyens sont employés : licenciements massifs, désarmement subi, engagement dans l’armée restreint, restrictions

dans la politique de transfert, opposition aux filières clandestines… Un abandon qui aura des conséquences tragiques…


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