Interview de Bruno Arbouet (DG de l’Agence nationale des services à la personne)

Publié le 19 mai 2009 par Sia Conseil

Depuis le lancement du plan de développement des services à la personne, ce marché affiche un taux de croissance à deux chiffres. Pensez-vous que ce rythme puisse être maintenu à court et moyen terme ?  

Avant le lancement du plan Borloo, la croissance annuelle des services à la personne se situait autour de 5%. Depuis, ce taux a

bondi à plus ou moins 10%. Au fur et à mesure que ce marché se développe, il sera naturellement difficile de maintenir une croissance à deux chiffres. Néanmoins, même en retombant à 7 ou 8%, celle-ci restera bien supérieure au rythme de croissance du PIB français, y compris hors période de crise. Cette année, les services à la personne constitueront d’ailleurs l’un des rares secteurs en croissance nette. 

Comment expliquer que le recours aux services à la personne est plus largement répandu dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni) qu’en France ?

Ce retard constitue davantage une idée reçue et n’a jusqu’à maintenant pas été démontré. Les pays anglo-saxons recensent en effet un nombre important d’emplois assimilables à des services à la personne, comme par exemple le livreur de journal. Toutefois, nous ne sommes pas sur des périmètres comparables. Surtout, ces pays ne disposent pas d’offre de services à la personne aussi structurée qu’en France.

Certains traits culturels peuvent-ils justifier les différences de comportement d’un pays à l’autre vis-à-vis des services à la personne ?

Nous commençons effectivement à observer des comportements nationaux différents à l’échelle européenne. A titre d’exemple, les pays nordiques font davantage appel aux services destinés aux personnes fragiles. Dans les pays latins, il ressort que la femme reste davantage à domicile, assurant la plupart des tâches quotidiennes et consommant dans une moindre mesure des services à la personne. A ce jour, le taux d’activité des femmes constitue d’ailleurs l’un des meilleurs indicateurs pour juger du potentiel du marché des services à la personne dans un pays.

Quels seront les prochains chantiers de l’Agence nationale des services à la personne ?

D’abord, nous allons continuer de faire savoir que les services à la personne sont accessibles à tous. Une nouvelle campagne de communication a été dernièrement lancée, en prenant soin de bien ajuster le discours au contexte de crise. Le « Plan II », dernièrement annoncé par Laurent Wauquiez, Secrétaire d’Etat chargé de l’emploi, aborde notamment deux enjeux majeurs des services à la personne, à savoir leur démocratisation, synonyme d’accès plus large à ces services, et leur qualité qui demeure également un chantier important. De manière générale, nous devons faire en sorte que les français augmentent la part de leurs dépenses dans ce domaine. Cela passera par des arbitrages, de manière analogue au téléphone portable pour lequel les français ont progressivement alloué un budget au détriment d’autres postes de dépenses. Il s’agira de consommer moins ou mieux de biens et davantage de services.

Pensez-vous qu’il soit prioritaire de concentrer les efforts de développement sur l’offre dans un premier temps, en postulant que la demande « suivra » d’elle-même ?

Rappelons que depuis le lancement du plan Borloo, le nombre de structures prestataires dédiées aux services à la personne (privées ou associatives) est passé de 5000 à 16000. Par ailleurs, quelque soit le type de service recherché, chacun peut globalement trouver ce qu’il souhaite aujourd’hui. La difficulté réside davantage dans le niveau de qualité de la prestation. En effet, ces dernières années, les services se sont considérablement diversifiés mais se produisent toujours comme il y a cinquante ans. Autrement dit, nous avons gagné le pari quantitatif mais pas encore le pari qualitatif. A l’avenir, l’utilisateur devra pouvoir sélectionner un service selon des critères de qualité. Les récents progrès constatés en matière de processus témoignent que nous sommes sur la bonne voie.

Le marché des services à la personne, jusqu’à maintenant relativement atomisé et composé d’acteurs de petite taille, voit apparaître de grandes enseignes nationales. A l’avenir, le marché va-t-il se structurer autour d’un nombre restreint de grands opérateurs ?

Contrairement aux idées reçues, le modèle se développant le plus aujourd’hui est l’emploi direct. Celui-ci est donc loin d’être condamné, d’autant plus que les services à la personne constituent avant tout un secteur d’économie locale. Ce modèle présente toutefois l’inconvénient de ne pouvoir offrir de garantie qualitative dans le sens où une prestation pourra s’avérer de très bonne comme de médiocre qualité. Parallèlement, le marché se structure effectivement autour de plusieurs grandes enseignes. Dans un premier temps, celles-ci ont dû se limiter aux nouveaux entrants et donc un périmètre restreint du marché (les personnes déjà utilisatrices ou prestataires préférant continuer de fonctionner en gré à gré) mais ces enseignes jouent dorénavant un rôle de plus en plus important. Ainsi, nous pensons que l’emploi direct cohabitera avec les grandes  enseignes nationales.

De nombreux secteurs, à l’image de la banque, de l’assurance ou encore de la grande distribution commencent à investir assez largement dans les services à la personne. Certains secteurs vous semblent-ils mieux placés pour s’imposer sur ce marché ?

Certains secteurs semblent effectivement mieux armés que d’autres pour s’imposer sur le créneau des services à la personne. Notamment, certaines enseignes sont particulièrement créatives. En matière d’innovation, plusieurs d’entre elles proposent déjà différentes gammes pour un même type de service ou encore favorisent l’intégration du bien et du service,  en packageant par exemple une prestation d’assistance informatique avec un ordinateur. Je pense d’ailleurs que dans quelques années, nous achèterons de moins en moins de biens pour favoriser les services associés.

PARCOURS

Bruno Arbouet est le Directeur général de l’Agence nationale des services à la personne depuis le 14 octobre 2005.

Il a débuté sa carrière en tant que Directeur du Conseil régional Languedoc-Roussillon (1983 -1986), avant de devenir Directeur du Syndicat mixte d’aménagement de la basse vallée de l’Aude (1986 -1989).

De 1989 à 1991, il occupe le poste de Directeur général de l’Agence de Développement Rural et d’Aménagement Foncier.

Il intègre la SCET (groupe Caisse des Dépôts et Consignations) en 1991 où il occupe successivement les postes de Directeur territorial pour le Nord de la France (1991-1997), Directeur du développement commercial, expertise et réseau (1997-2001). Il est Directeur délégué de la SCET en charge du développement et de la stratégie et Directeur général de CD Consultants de 2001 à 2004.

Ces fonctions le mènent au poste de Directeur interrégional SCET Icade-Cités en 2004, avant d’intégrer l’Agence nationale des services à la personne en 2005.