La bienveillance est-elle l’avenir du marketing ? Cette nouvelle notion, qui paraît très éloignée du monde économique, pourrait constituer la base d’une stratégie très bénéfique pour les entreprises. Le dernier Club Vertone, qui s’est déroulé le 26 mars dernier autour d’une table-ronde accueillant Juliette Tournand, auteur de « La Stratégie de la Bienveillance », et deux acteurs du monde humanitaire (Benoit Muller, Sports sans Frontière et Pierre Janicot, Cheer Up), a permis de comprendre comment la bienveillance pourrait s’imposer comme la nouvelle arme du marketing.
Au fait, c’est quoi la « bienveillance » ?
A priori, la finalité de la bienveillance (« bien et bonheur d’autrui », définition Wikipédia) semble peu compatible avec la finalité du marketing (« défense des intérêts de l’entreprise pour assurer sa croissance »). Et bien souvent, quand le marketing se targue d’être bienveillant, on pense à une simple posture de communication.
Mais la récente crise financière a fait croître la pression de l’opinion en faveur de la responsabilité sociale des entreprises, en bref, à une évolution vers plus de bienveillance. De plus en plus d’entreprises intègrent d’ailleurs la bienveillance dans leur stratégie :
- Auchan par exemple, qui valorise son statut d’« entreprise solidaire » et garantit d’établir des « relations de travail équilibrées avec ses partenaires »,
- Ou encore Mac Donalds qui met en avant ses engagements en termes de diversité dans le recrutement de son personnel.
Cette évolution est-elle un choix contraint que les entreprises sont obligées d’assumer pour entrer en phase avec les attentes des consommateurs ? Ou bien pourrait-elle devenir un nouveau levier de création de valeur ?
« Les plus belles victoires se gagnent sans verser de sang » (Sun Tsu)
Cette affirmation est le principe qui fonde la stratégie de la bienveillance, dont les bénéfices ont été démontrés de manière scientifique par Anatol Rapoport. Il a mis en évidence que la stratégie du « Donnant-donnant » est la stratégie championne « à coup sûr » car elle « incite les concurrents à devenir (…), plutôt qu’adversaires, partenaires ». Cette conduite fondée sur la bienveillance permet ainsi de maximiser la création de valeur pour l’ensemble des parties.
Cette stratégie de la bienveillance trouve naturellement un écho dans les partenariats d’entreprises avec des associations humanitaires. Dès lors que les bénéfices réciproques sont clairement exprimés en amont, les deux parties ont beaucoup à gagner et le champ d’action du partenariat peut devenir beaucoup plus vaste. Preuve en est l’intégration des associations caritatives dans les programmes de fidélisation des grandes marques. Preuve en est également l’implication de plus en plus fréquente des collaborateurs dans les associations soutenues par leurs entreprises : les partenariats sont désormais utilisés par les entreprises en soutien de leur politique RH (congé solidaire par exemple). Récemment, VM Matériaux a soutenu Jean Le Cam dans sa participation au Vendée Globe 2008 : pendant la course, les leviers de performance de Jean Le Cam étaient décryptés pour permettre à chacun de progresser dans ses activités.
Quelles applications pour le marketing ?
Au-delà de cette application qui semble naturelle, la stratégie de la bienveillance peut également s’appliquer au marketing. Elle suggère d’adopter une vision humanisée du client, en intégrant la réalité de ses attentes. Ainsi, en marketing direct, la bienveillance passe par la définition d’une pression relationnelle optimale, le choix de modes de contacts peu intrusifs ou encore la conception de messages partant du bénéfice client. Plus largement, la bienveillance se traduit par la conception de produits technologiques à l’expérience client fluide et simple. Apple pourrait ainsi être érigée en modèle de la bienveillance sur la base de la qualité de son expérience client !
Le marketing participatif, qui intègre le consommateur dans la conception des offres, correspond bien également à cette nouvelle tendance : le client n’est plus seulement perçu comme le destinataire final de l’offre, mais bien comme un partenaire qui peut contribuer à la définir et à en assurer le succès.
La stratégie de la bienveillance peut ainsi tout à fait constituer une feuille de route pour les cadres du marketing, spécialement dans cette période de crise. Elle pose la vision client comme un préalable indispensable à la définition de toute nouvelle offre, revenant ainsi à l’essence de cette spécialité : déterminer les offres de biens et services en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, dans le but de faciliter leur commercialisation. De là à se demander si certains marketers ne sont pas frappés du syndrome de Monsieur Jourdain, à faire du marketing bienveillant sans le savoir…
Auteur : Muriel Arnould
Source : Vertone
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches / expression