Ananda Shankar, neveu de Ravi du même nom, lors d’un voyage aux U.S.A., est de passage à Los Angeles. Signé par le label Reprise du groupe Warner, il décide de concrétiser son rêve. Il sera accompagné de sept musiciens de studios locaux (batteur, bassiste, guitare, claviers et synthétiseur Moog) et d’un compatriote (tabla). Si la couleur du sitar a été utilisé à tout va avec des degrés de qualité très variable, son essence même n’a été que peu distillé. Que l’instrument s’exprime à travers des compositions à caractère soit festif soit religieux, le musicien indien n’ignore pas la tradition et la mythologie de son pays : la musique est divine, c’est par le son primordial Ôm que le dieu Brahmâ a créé l’univers. Ainsi la spiritualité voire la religiosité de l’interprète doit émaner à tout moment, condition sine qua non dans l’absolu pour jouer d’un instrument. A ce titre les différents morceaux présents sur l’album renvoient à cette état d’esprit. Les reprises de "Jumpin’ Jack Flash" des Rolling Stones, "Light My Fire" des Doors et les plages "Snow Flower" et "Mamata (Affection)" relèvent du divertissement offert avec générosité. "Metamorphosis" démarre comme une simple proposition au dépaysement pour se transformer en un voyage mystique et planant. Ananda en profite ici pour nous faire montre de toute sa virtuosité._La face B (le sixième morceau si vous écoutez l’album sur support numérique) s’ouvre par la pièce maîtresse intitulée "Sagar (The Ocean)". Pendant ce petit quart d’heure une vague ne vous submerge pas, non, elle vous transporte vers des rivages connus que de votre seule imagination, pour peu que votre esprit se déleste de ce qui lui pèse au quotidien, ensuite libre à vous de vous laissez flotter loin du bord, d’embrasser la haute mer avant le grand plongeon abyssal. Si une grande partie du morceau est typiquement indien, une rythmique lente aux sonorités folkloriques digne de Jethro Tull, Led Zeppelin ou Pentangle fait de façon progressive son apparition. La boucle est en quelque sorte bouclée. L’avant-dernière composition, "Dance Indra", très orientale, pourrait illustrer un rapide voyage dans l’univers fantastique d’Aladin, dans celui fantaisiste d’Ali Baba ou dangereux des charmeurs de serpents. C’est dans cet instrumental que le Moog est le plus présent. Le synthétiseur a été employé sinon avec parcimonie ce qui évite de conférer à l’ensemble un côté que l’on pourrait qualifier d’ "easy listening" voire de kitsch._"Raghupati" clôture l’album. Seule chanson du LP, Ananda conclu en ces termes (je résume) : "peu importe comment nous nommons Dieu, Il nous appartient à tous de façon égal". Loin de toute niaiserie "peace and love" ou "baba cool", Ananda pensait peut-être à une autre forme de religion, sans nom précis, compatissante et sensible, une association des jeunes dieux avec les plus ancestraux.
En bref : un passeport international pour un voyage initiatique ; une occasion de découvrir les mystères de l’Inde en terrain connu.
le site et un extrait à écouter : "Snow Flower".