C'était hier la journée inaugurale du Salon du livre d'Amérique latine à Paris. L'événement a eu lieu à la Cité Internationale des Arts, et c'est le directeur Sidney Peyroles qui a assuré le lancement, avec sa gentillesse coutumière et la grande efficacité des services de la Cité. Les rencontres dureront jusqu'au dimanche 17 au même endroit. Le programme laisse prévoir des discussions les plus variées, des moments et des espaces consacrés à différentes facettes de la culture latino-américaine.
La première table-ronde fut consacrée à Haïti. Animée par Yves Chemla, elle réunissait Louis-Philippe Dalembert et Laënnec Hurbon. Le premier, écrivain, présentait son dernier ouvrage Le Roman de Cuba (Du Rocher, 2009) et insistait sur les liens très particuliers qui semblent unir depuis des siècles les deux îles, les deux communautés, les deux cultures. Le second, sociologue, évoquait le travail que plusieurs chercheurs haïtiens avaient consacré à la Genèse de l'État haïtien (1804-1859) et qui était sorti le matin-même des Éditions de la Maison des sciences de l'homme. Outre les difficultés politiques et économiques rencontrées à affirmer l'existence d'un État né de l'échec d'une grande puissance, Laënnec Hurbon montra comment cette situation à l'origine paradoxale, presque scandaleuse alors, a marqué durablement les esprits et les façons d'être de la grande majorité des Haïtiens préoccupés d'oublier l'idée même d'un esclavage qui continue de marquer si profondément leur imaginaire.
Dirigée par Jacques Munier, la seconde table-ronde de la journée établissait un pont entre les continents américain et européen en traitant du problème des quartiers et des crises politiques. Le dessinateur argentin José Muñoz à l'œuvre gigantesque (cf. d'autres pages du site) y échangeait avec deux sociologues, en particulier sur le sens qu'il convient désormais d'attribuer au terme de « populisme politique ». Le premier, Robert Castel, de l'Ehess, particulièrement reconnu pour ses travaux sur le lien social aux résonances si actuelles, présentait La montée des incertitudes : travail, protection, statut des individus (Seuil, 2009) et s'interrogeait sur les définitions traditionnelles du politique ; le second, Denis Merklen, d'origine uruguayo-argentine, de Paris 7, qui vient de publier Quartiers populaires, quartiers politiques (La dispute, 2009) expliquait en quoi, en dépit des différences apparentes dans l'affiliation politique entre jeunesses des quartiers en Amérique méridionale (Argentine, Haïti, …) et en France, les convergences ne manquaient en réaction au phénomène de la globalisation.
Avant le cocktail prévu dans le programme, le compositeur brésilien Igor Micelli Oliveira en résidence à la Cité, présenta deux œuvres, « Jardin japonais » et un nocturne en création mondiale, qui furent jouées dans un auditorium particulièrement rempli par la pianiste japonaise Maya Itho.
L'assistance en ce jour initial fut nombreuse, attentive lors des discussions, et joyeuse verre en main. Tous se réjouissaient de l'offre d'ouvrages en espagnol et en français que leur fournissait sur place la Librairie Gibert Joseph.