(Agence Science-Presse – Février 2009) – À l’occasion du 200e anniversaire de la naissance du père de la théorie de l’évolution, le 12 février prochain, l’Agence Science-Presse a demandé à des chercheurs québécois d’imaginer une révolution similaire à sa théorie et susceptible de changer notre vision de la science. Et de nous-mêmes!
La génétique comme révolution
L’épigénétique pourrait être cette prochaine révolution des idées. Cette discipline, qui se penche sur les modifications transmissibles et réversibles de l’expression des gènes en fonction de l’environnement, constituerait un des fondements de la diversité biologique aussi importants que la théorie de Charles Darwin. La découverte de l’ADN et le développement de la génétique auront aussi, de l’avis de quelques chercheurs, un impact considérable dans la manière dont les scientifiques regardent la vie. Mais peut-être la révolution viendra-t-elle des sciences sociales comme le suggère l’un des scientifiques sondés…
Les avis des scientifiques
Il existe au sein de la génétique une révolution en devenir qui va bouleverser la théorie de Darwin. Cette nouvelle science en émergence est l’impact de l’environnement sur l’expression génique. Depuis 2006, on se rend compte que des événements épigénétiques se transmettent d’une génération à l’autre. Cet impact semble prépondérant pour le développement de cancers. Mais pour le moment, l’aspect transmissible de l’épigénome est encore mal connu
— Claude Robert, Centre de recherche en biologie de la reproduction, Université Laval
Que l’environnement change l’expression des gènes est exceptionnellement important étant donnée la condition très déséquilibrée de notre environnement!
— Janice Bailey, département des sciences animales de l’Université Laval.
Si quelqu’un découvrait, dans la complexité grandissante de l’ADN, un code source qui indiquerait que la vie telle qu’on la connaît a été induite et n’est pas apparue par hasard sur Terre, disons que cela pourrait créer autant de remous que Darwin.
— Marc-André Sirard, Chaire du Canada en génomique animale, Université Laval
La découverte l’ADN et son développement ont révolutionné les sciences au moins autant que les idées de Darwin, en permettant notamment de suivre l’évolution des espèces à travers leurs gènes, mais aussi en permettant de faire avancer énormément nos connaissances en biologie. Mais l’avenir se situerait plutôt du côté des nanotechnologies. À la frontière de la physique, de la chimie et de la biologie, les nanotechnologies pourraient faire avancer la science en permettant de repousser les limites de nos connaissances grâce à la miniaturisation extrême et au développement de nouvelles propriétés des matériaux. Mais il est encore difficile d’en juger aujourd’hui, car nous ne sommes pas encore arrivés au stade des réalisations concrètes et majeures.
— François Berthod, Laboratoire d’organogenèse expérimentale, Université Laval
C’est la découverte et l’utilisation de cellules souches embryonnaires en médecine est la première chose qui me vient à l’esprit. La deuxième serait quelque chose qui répondrait à la question: «quand la vie commence-t-elle? À la fécondation ou plus tard?»
— Florence Dzierszinski, Institut de parasitologie, Université McGill
En physique, ce qui s’y apparenterait le plus serait l’idée du «more is different». En d’autres termes, on a découvert durant le dernier siècle qu’un électron et un ensemble d’électrons se comportent complètement différemment. Non seulement, l’ensemble est capable des nouveaux effets, comme la supraconductivité, mais si l’on ajoute une interaction entre les membres de l’ensemble, on peut observer des effets très riches avec des propriétés inattendues.
— Andréa Bianchi, Chaire de recherche du Canada sur les nouveaux matériaux pour applications à la spintronique, Université de Montréal
Copernic a montré que nous n’étions pas au centre de l’Univers, Darwin que nous n’étions pas le but de la création, et Freud que nous n’étions pas au contrôle de toutes nos actions individuelles. Trois coups durs pour notre ego! La prochaine révolution nous forcera probablement à encore plus d’humilité et viendra peut-être des sciences sociales qui montreront que nous ne pouvons contrôler collectivement qu’une très faible partie du destin de notre espèce. Les guerres, les famines, les crises économiques, les problèmes environnementaux, les révolutions politiques, les progrès techniques, les avancées philosophiques, les religions; tout cela devrait être analysé sous un angle nouveau. Un nouveau regard sur nous-mêmes qui changerait sans doute notre perception de l’avenir, en nous angoissant ou en nous libérant. Seul l’avenir nous le dira!
— Dominique Berteaux, Chaire de recherche en conservation des écosystèmes nordiques, Université du Québec à Rimouski