L’Europe spatiale aux confins de l’univers.
Sir William Herschel, astronome germano-britannique qui découvrit notamment Uranus, mort en 1822, se serait certainement passionné pour l’imposant télescope qui porte son nom. Et Max Planck, physicien allemand de grand talent disparu en 1947, aurait sans nul doute été enthousiasmé par les formidables capacités de découvreur du satellite qui porte son nom.
Herschel et Planck sont précipités au cœur de l’actualité scientifique et spatiale ŕ la suite du lancement par une fusée Ariane 5 de deux satellites qui portent leurs noms. Ils vont permettre d’étudier la formation des étoiles pour le premier, rechercher la premičre lumičre du Big Bang pour le second. Il s’agit d’une opération de l’Agence spatiale européenne, l’ESA, qui mérite notre émerveillement, et pas uniquement celui des spécialistes.
Il faut tout d’abord souligner que l’Europe spatiale, malgré de sérieuses contraintes budgétaires, tout au moins si on compare ses moyens ŕ ceux de la NASA, arrive ŕ mettre sur pied, avec intelligence, des opérations de trčs grande envergure. Herschel est doté –et ce n’est qu’un exemple- d’un télescope de trois mčtres et demi d’envergure qui donne un soudain coup de vieux au Hubble américain. Le satellite Planck, pour sa part, nous oblige ŕ faire fonctionner notre imagination aux confins de ses possibilités : il va ni plus ni moins explorer les origines de l’univers. En clair, il va remonter le temps jusqu’ŕ 13,8 milliards d’années.
Ensuite, il est bon de souligner que cette entreprise colossale, sans précédent, est européenne de bout en bout. Elle doit ętre mise au crédit de l’ESA, qui nous rappelle ŕ cette occasion qu’elle est menée de main de maître et, surtout, qu’elle est capable de travailler dans la durée, de mener ŕ terme des opérations ambitieuses de longue haleine. Herschel et Planck confirment aussi, si besoin est, les grandes qualités des scientifiques du Vieux Continent et celles de son industrie. Dans ce cas-ci, Thales Alenia Space, EADS Astrium et leur cortčge de partenaires dont Boostec, dans les Hautes-Pyrénées et, bien sűr, Arianespace.
Il faudra témoigner d’une grande patience avant de connaître les premiers résultats de la double mission. En revanche, le duo Herschel-Planck est d’ores et déjŕ capable de rassurer les observateurs qui regrettent la relative faiblesse des moyens mis ŕ disposition de l’Europe spatiale. Un thčme difficile ŕ aborder en ces temps de récession mais qu’il convient néanmoins de considérer comme il le mérite, ŕ savoir sans prendre outre mesure en considération l’actualité conjoncturelle.
Tout au contraire, il faut ętre capable d’élever le débat, de le porter au niveau le plus ambitieux. Il est dans la nature humaine, et en męme temps de notre responsabilité, de chercher ŕ savoir, ŕ comprendre et, dans la mesure oů cet objectif extraordinaire devient accessible, de tenter de remonter jusqu’ŕ l’origine de l’univers. Quitte ŕ soulever des questions difficiles, délicates, gęnantes pour certains, encombrantes pour d’autres, que l’on peut qualifier de philosophiques. Au minimum.
Une telle avancée dans l’exploration spatiale qui n’est décidée ni ŕ Washington ni ŕ Moscou porte en elle un message d’espoir. L’Europe consacre 0,05% de son PIB ŕ l’ensemble de ses programmes spatiaux, toutes disciplines confondues, ŕ comparer ŕ 0,3% pour les Etats-Unis. La virgule n’est pas ŕ la męme place.
L’année derničre, l’Académie de l’air et de l’espace l’avait souligné avec force : l’exploration spatiale est aussi source de grands bénéfices politiques en démontrant que l’Europe est capable de viser des objectifs trčs ambitieux, que les bénéfices qui en résultent peuvent ętre considérables, ne serait-ce qu’en contribuant ŕ nous maintenir parmi les grandes puissances du monde. L’Académie ajoutait : Ťnos enfants et petits enfants méritent des projets ambitieux paneuropéens de grande envergure qui leur donnent l’occasion de travailler ensemble pour construire les symboles de ce que l’Europe peut réaliser en science et technologieť. Et de citer pour exemples Ariane, bien sűr, mais aussi Airbus.
D’oů l’approbation posthume, si l’on ose dire, que méritent amplement William Herschel et Max Planck. Lŕ-bas, aux confins de l’univers, ils sont certainement fiers de nous.
Pierre Sparaco - AeroMorning