Elizabeth von Arnim
Salvy
419 pages
Résumé:
Lady Frances Skeffington - Fanny pour ses amis - va avoir cinquante ans. Elle vit dans l'un des quartiers les plus chics de Londres, entourée de domestiques. Elle a divorcé il y a vingt ans de Job Skeffingtion, un juif richissime qui, depuis, a quitté Londres. Mais son souvenir ne cesse de la hanter. Son médecin lui conseille de revoir ce mari longtemps oublié, et de revoir les amants qui l'ont accompagnée au long de sa vie.
Mon commentaire:
Le résumé de l'histoire n'est certes pas fantastique et ne donne pas vraiment envie de lire le roman. Les premiers chapitres sont un peu longuets, avant que l'on comprenne ce qui motive Fanny et ce que sera son parcours. Fanny a peur de vieillir. Elle a connu la gloire et la beauté dans les cercles bourgeois, a été adulée par tous les hommes et ne manquait pas de prétendants. Elle n'a cependant jamais voulu se remarier et à l'aube de la cinquantaine, elle constate que sa beauté se fane, qu'elle n'a ni mari, ni enfants, et rien devant elle qui la fasse espérer et profiter de la seconde moitié de sa vie.
L'histoire de Mr Skeffington est moins lumineuse que celle d'Avril enchanté par exemple. Mais même avec un sujet qui ne m'intéresse pas vraiment, l'auteur a réussis à me captiver et c'est avec plaisir que j'ai lu cette histoire. L'écriture de von Arnim est remplie d'anecdotes et même si l'humour y est plus subtil, son talent est de réussir à créer une atmosphère qui rejoind ses précédents romans et des personnages haut en couleurs, parfois amusants, quelques fois pitoyables. Fanny n'est pas à proprement parler un personnage attachant. Elle est tourmentée par elle-même et ne se rend pas toujours compte du mal qu'elle peut faire autour d'elle. Par moment elle est exaspérante, par d'autres elle est préoccupée ou même amusante. Certaines scènes valent la peine, il n'y a qu'à penser à la party organisée chez Fanny ou certaines scènes chez ses amants. La fin du livre est tout à fait à mon goût et laisse place à plusieurs interprétations de l'événement, à plusieurs niveaux de compréhension. J'aime les fins que donne von Arnim à ses livres.
Mr Skeffington est le dernier roman d'Elizabeth von Arnim. Son personnage de Fanny est cruel et cynique envers les femmes de son âge et la vieillesse. Elle cache une profonde aversion pour ce qu'elle voit changer en elle en vieillissant. En sachant qu'Elizabeth a connu un premier mari qui est décédé, s'est remariée avant de divorcer, je me demande si les préoccupations de Fanny dans le roman ne sont pas un peu celles de von Arnim... Même s'il s'agit d'un roman, on ne peut s'empêcher de faire le lien, en sachant que les écrits de von Arnim sont toujours très autobiographiques...
Quelques extraits:
"C'est une situation sans issue que de tenter de faire disparaître quelqu'un qui n'est pas là." p.28
"Voulait-il la punir de l'avoir appelé "chéri" devant Audrey? Si c'était le cas, alors il n'était plus le Jim qu'elle avait connu, et plus vite elle quitterait cette maison, mieux ce serait. Elle n'était pas faite pour les cercles de famille. Qu'on la laisse rentrer à Londres et se débrouiller toute seule avec ses problèmes! Et puis, quand l'hôte est contrarié, l'hôtesse bouleversée, la mère de l'hôtesse soupçonneuse et le père un inlassable bavard, il est temps, pour l'invitée, de partir." p.195
"Bien des maris avaient dû encaisser des coups pires qu'une mèche qui tombe! Ce n'est pas pour ses cheveux qu'un homme épouse une femme dans la cinquantaine. Seul un imbécile ou un tout jeune homme pourrait s'imaginer qu'à cet âge une femme ne commençât pas à tomber en lambeaux..." p.350