Je n’aurais jamais cru écrire cela, mais hier Polly Jean m’a saoulé. Si son précédent passage à Paris, seule,
au Grand Rex, avait enchanté, le premier concert du Bataclan, dimanche soir, fut une puissante déception.
Étonnement d’abord de la voir débouler pieds nus, en petite robe, délestée de son habituelle guitare. Au Grand Rex, nous promettant
un concert solo dans la lignée de l'album White Chalk, elle déboulait guitare rugissante et calmait d’emblée toute l’assemblé avec un To Bring You
My Love d’une tranchante intensité. Hier, pas de telle surprise : le concert commença avec l’efficace Black Hearted Love, exécuté tout aussi efficacement par un groupe il faut bien le dire parfait et bénéficiant d’une balance pour une fois idéale. Programme annoncé : en
entamant le set avec le premier morceau du dernier né, il était clair que tout l’album y passerait et que peu de place serait laissée au reste.
Alors PJ hier ? Chanteuse beaucoup. Rock Star beaucoup moins. Et c’est bien son problème depuis quelque
temps, qui apparut très clairement à la sortie de A Woman a Man Walked By, confirmant en cela le virage amorcé par ce fade White Chalk que tant d’autres tiennent pour un
chef-d’œuvre. Désormais, pour PJ, on dirait que chaque chanson s’envisage presque comme une performance, comme une manière de tester une voix poussée dans ses retranchements, malmenée, travaillée
jusqu'à l'épuisement. Pourquoi pas, mais il est assez désagréable d’assister à la "Björkisation" de notre égérie indé, de sentir que l’affectation a remplacé ce qui subsistait d’émotion… Chaque
morceau comme un exercice de style. Comme si l’urgence, la nécessité, s’étaient émoussées…
Ce fut un très court concert (1h20) dont on retient quelques très beaux moments (Sixteen, Fifteen,
Fourteen et son banjo, les jappements de Pig Will Not), des fulgurances soniques et un talk over fébrile rappelant The Ex, un rappel mettant à l’honneur John Parish, mais aussi,
malheureusement, d’agaçantes minauderies vocales sur Leaving California ou April, triste morceau de conclusion où PJ ne trouva rien de mieux à faire que de singer, aux couplets,
les parfois agaçantes Cocorosie…
La bizarrerie de tout cela, c’est que j’écris ces quelques lignes en réécoutant l’album et que les morceaux
passent, gravés sur CD, plutôt mieux qu’hier soir… Alors, pourquoi m’a-t-elle tant déçu ? Parce qu’elle laissa la guitare à d’autres (dont John Parish bien sûr) ? Parce que le fan de Dry
ou de Is This Desire n’eut pas son compte de classiques ? Parce qu’apparurent sur scène les effets et les artifices que l’incohérence d’un album presque expérimental dissimula un temps ?
Parce que je suis juste passé complètement à côté d'un excellent concert ?