Alors que le monde entier, par un tragique effet papillon et domino, unis en une fatale étreinte, se cherche et s’interroge sur
son devenir, où se tourner pour retrouver un peu de sérénité ? Aung San Suu
Kyi, figure lumineuse de l’opposition à la junte en
Birmanie, chantre de la ahimsa, cette non violence chère à Gandhi et à Martin Luther King, dont l'actuelle assignation à résidence doit prendre fin le 27 mai, encourt cinq ans de prison. Un
exemple parmi tant d’autres que la volonté, même politique, d’agir en portant comme une oriflamme les couleurs de la bonté et de la sagesse ne
suffisent plus à enrayer la perte de sens d’une humanité en obligation de se chercher de nouvelles valeurs. La crise, cette crise qui devient un terme générique à tous les maux, va laisser la
place bientôt à une nouvelle ère. Saurons-nous en tirer les enseignements ? Saurons-nous trouver une nouvelle sagesse ?
En attendant ces temps nouveaux, loin de toute cette agitation, il existe des espaces protégés, qui grandissent en sagesse hors du focus des médias. L’un d’entre eux, le Bhutan, est à lui seul un contre exemple insolent à la marche actuelle de notre système économique mondial. Le royaume du Bhutan possède la
spécificité unique au monde de juger les programmes gouvernementaux non sur des critères économiques et sur les retombées positives qu’ils entrainent, mais en fonction du bonheur qu'ils apportent
aux habitants. Le principe du "produit national doux" (par opposition au produit national brut), en anglais "Gross National Happiness", littéralement "bonheur national brut", est inscrit dans la
Constitution depuis 2008. Ce principe repose sur une idée de l'ancien roi du Bhutan, dans les années 70, inspiré par la philosophie bouddhiste. Cette philosophie définit 72 indicateurs du bonheur, divisés en 9 domaines : le bien-être psychologique, l'écologie, la sante, l'éducation, la culture, le niveau de vie, la gestion du
temps, la vie communautaire et la bonne utilisation du pouvoir. Exemple parmi d’autres, pour apprécier le bien-être psychologique d’un individu, les instruments de mesure prennent en compte le
temps passe à prier ou a méditer, l’état de jalousie ou de frustration, les conduites égoïstes ou les pensées suicidaires, mis en perspective avec
les sentiments de sérénité, les actes de générosité et de compassion.
Le Premier Ministre du Buthan, Jigme Yoser Thinley, assoit sa politique en expliquant que le but n'est pas le bonheur en lui-même, concept par essence individuel, mais plutôt une volonté de créer les conditions nécessaires, sur un plan national, pour l'atteindre. Le Roi a démissionné de sa propre initiative, et contre l'avis de son peuple, pour laisser la place a des élections démocratiques l'année dernière, selon l'idée que "bonheur national et démocratie vont bien ensemble ». Les deux notions placent la responsabilité en chaque individu. La poursuite du bonheur est un chemin personnel et la démocratie donne le pouvoir à l'individu. Dans ce pays qui pourrait donner des leçons de démocratie à notre monde dit civilisé, la volonté populaire a été respectée. Le fils du roi, Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, est monté sur le trône à 29 ans, devenant ainsi le plus jeune chef d’état au monde, mais sans aucun pouvoir, pour être simplement le symbole de la continuité d'une tradition millénaire.
Ce qu’un petit royaume d’environ 2 millions d’habitants a réalisé est-il transférable à l’échelle mondiale ? Je n’aurai pas l’angélisme béat de le croire, mais j’ai celui de rêver, et n’est ce pas ce dont nous avons, aussi, besoin, en ces temps de sombres perspectives ?