Cinq idees reçues sur l'evolution

Publié le 18 mai 2009 par Raymond Viger

(Agence Science-Presse) – Le créationnisme est tenace, et sous sa version moderne, appelée «dessein intelligent», plusieurs personnes jugent bien tentant d’y croire. Comment répliquer à ces arguments quand on n’est pas soi-même scientifique? Cyrille Barrette, biologiste à l’Université Laval, et qui a eu «l’honneur» de participer à des débats avec des créationnistes, nous fournit quelques pistes.

1. Religion et science sont incompatibles

Pour les créationnistes purs et durs, c’est un être supérieur qui a créé la Terre et les êtres humains sous leur forme actuelle, la preuve… c’est écrit dans la Bible!

Cyrille Barrette — Dit comme ça, c’est sûr que la science est incompatible avec la religion. Mais ça ne l’est pas si l’on considère ces textes sacrés comme des métaphores. Si l’on veut les utiliser au pied de la lettre, là, il y a une incompatibilité totale avec tout ce que la science nous enseigne.

2. La vie est tellement bien «fabriquée» que seul un Créateur peut être responsable. 

Certains insectes glissent sur l’eau alors que d’autres font des bonds incroyables. Et les oiseaux volent. Ces différences ne peuvent être dues au hasard.

CB – Premièrement, les biologistes sont tous d’accord pour dire que la vie n’est pas juste le produit du hasard. La sélection naturelle intervient aussi pour produire les adaptations. Ensuite, dire que c’est le Créateur qui a fait ceci ou cela, c’est un argument d’ignorance. C’est ce qu’on appelle «le Dieu bouche-trou»: il y a des trous dans nos connaissances — par exemple, on n’arrive pas à expliquer une adaptation en particulier — alors on fait une capitulation de la raison: on dit «c’est Dieu qui a fait ça».

3. Si nous avons évolué des singes, comment se fait-il qu’il y ait encore des singes?

CB – C’est une question difficile si on la prend telle quelle. Parce que posée de cette façon, cette question suppose que l’existence des singes avait un objectif; que l’objectif de l’évolution, ou de la vie, aurait été l’émergence de l’humain; donc, pour que l’humain émerge, il fallait qu’il y ait des singes avant, et puis avant les singes, des mammifères, et puis avant eux, des amphibiens, etc. Dans cette vision, c’est comme si chacune des étapes avait une mission à remplir: paver une partie du chemin qui devait mener éventuellement à l’humain, grande vedette de l’évolution.

Mais dans cette optique, on pourrait aussi se poser la même question pour les poissons: pourquoi sont-ils encore là? Ils ont donné naissance aux amphibiens, donc leur job n’est-elle pas terminée? Or, ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe. Une espèce n’a pas pour «mission» de permettre l’émergence d’une autre espèce.

4. L’évolution est juste une théorie

CB – D’abord, il faut se défaire du sous-entendu péjoratif «c’est juste une théorie». Parce que dans le langage courant, on peut avoir toutes sortes de théories; on peut par exemple en avoir une pour expliquer pourquoi le Canadien a perdu hier soir. Mais c’est plutôt une opinion ou une spéculation. En science, ce qu’on appelle «théorie» est quelque chose de beaucoup plus solide. C’est une proposition qui explique un grand nombre de phénomènes, qui a été mise à l’épreuve, qui a résisté pendant des années aux objections. En ce sens, on peut dire que l’héliocentrisme — le Soleil au centre et la Terre qui tourne autour — est une théorie, mais c’est une théorie qui a tellement été testée que, finalement, on considère ces phénomènes comme des faits. Ce n’est pas «juste une théorie».

L’évolution est un fait qu’on peut observer: les espèces peuvent changer dans le temps et toutes les espèces ont des ancêtres, c’est-à-dire qu’elles ont émergé à partir d’ancêtres qui les ont précédés. Ce sont des faits qu’on peut observer.

5. Créationnisme et immoralité, même combat

Croire en l’évolution peut mener à la désintégration de la société, affirment certains créationnistes. Sachant qu’il doit se battre pour sa survie, l’homme devient de plus en plus égoïste et égocentrique. Tout ce qui compte, c’est que ses caractères génétiques passent à la postérité.

CB – Non seulement ça n’a aucun rapport, mais en plus, Darwin lui-même, dans ses écrits, s’est opposé catégoriquement à l’idée que ses explications biologiques puissent servir de modèles explicatifs pour les affaires humaines, la vie en société, la loi de la jungle, et tout ça. Darwin nous dit, «oui c’est ce qui se passe dans la nature, mais l’humain est autre chose que ça». L’humain est capable de transcender ça: c’est ce qu’on appelle la culture et la civilisation.

Pour écouter l’entrevue complète avec Cyrille Barrette :

www.sciencepresse.qc.ca/balado/jvpls050209.mp3