La journée démarre tardivement par le business des invit, on a franchi un palier avec la nouveauté du jour, n'hésitant pas à changer le règlement en cours de route, l'administration du festival a décidé que les détenteurs de Pass cinéphiles ne peuvent plus entrer avec les invitations marron compatibles en principe avec tous les Pass, ils sont désormais considérés comme nuls pour l'entrée au Palais* et il faut donc trouver des invit bleus comme pour les spectateurs non accrédités... Sympa pour les cinéphiles, juridiquement contestable, le rêve cannois.. Donc, arrivée une bonne heure et demi avant la projection de "Kinatay" du réalisateur philippin Brillante Mendoza, que personnellement j'apprécie mais dont je sais qu'aussitôt entrés, les festivaliers vont sortir de la salle car ce n'est pas un cinéma qui les amuse, ça n'est pas si facile de repêcher un ticket bleu, au final, j'en ai deux mais je ne peux pas offrir le second, pourquoi? Parce que c'est ma monnaie d'échange pour un autre billet, une autre projection, je voulais "L'Armée du crime" de Guédiguian, je décroche "Agora" d'Aménabar, peplum fleuve de presque trois heures avec la magnifique Rachel Weisz, épouse de Darren Aronosky à la ville.. Qu'elle est belle en montant les marches avec l'équipe d'"Agora" à 22h30 dans son fourreau strict émeraude avec pochette et talons argentés, une diva naturelle, un cas très rare, certaines actrices minaudantes pourraient en prendre de la graine...
*(sauf aux séances de 15h/22h/minuit et seulement en attente pour l'accès de dernière minute)
Tony Leung sortant du Majestic
Dans l'intervalle, je suis tombé opinément sur une copine photographe qui me donne de l'énergie pour me remuer rien qu'à la voir faire et je lui ai emboité le pas pour faire quelques photos moi aussi... Devant le Majestic Barrière, la foule attendait son Johnny national dont elle ne se lasse pas malgré ses incartades... Un Johnny Hallyday ayant remplacé Alain Delon dans "Vengeance" de Johnnie To (sortie en salles le 20 mai), maître du polar Hong Kong, film en compétition qu'on présentait ce soir à 19h30. L'idée de génie du service d'ordre fut de faire sortir l'idole des jeunes par le dos de l'hôtel Majestic quand l'avant est beaucoup plus protégé, très en retrait, résultat, une émeute... Beaucoup plus cool, l'acteur chinois le plus connu du monde, le héros de "In the mood for love" et "Lust, caution", plus récemment, le craquant Tony Leung, ne fait pas tant d'histoires pour poser avant de monter dans sa limousine, avant lui, l'actrice Michele Yeoh signe des autographes. L'actrice française qui monte, Hafsia Herzi ("La Graine et le mulet"), charmante, un peu timide, donne une interview improvisée au site Comme au cinéma, elle préfère aller voir le film de Guédiguian à la même heure que "Vengeance" dans la salle du 60° anniversaire. Encore plus populaire que Johnny, le King Cantona est déjà arrivé au Majestic pour présenter demain "Looking for Eric" de Ken Loach qu'il a produit et dont il a eu l'idée de scénario, ça promet de l'ambiance quand il sortira de l'hôtel...
Les réalisateurs cinéphiles, ça existe, Tarentino, qu'on avait déjà vu à la projection de "Thirst" de Park Chan-wook, a monté les marches pour "Kinatay" de Mendoza, pour la projection d'"Agora" d'Amenabar, on parlait de la présence d'Almodovar dans la salle. Le premier en compétition avec "Inglorious basterds" le 20 mai et le second avec "Etreintes brisées" le 19 mai (sortie en salles le 20 mai)...
"Kinatay" de Brillante Mendoza
On l'avait éreinté l'année dernière pour "Serbis" en compétition, cette année, Brillante Mendoza revient courageusement avec un film différent, non seulement de "Serbis" mais des précédents "Tirador" et "John-John", films en immersion et en mouvement bien qu'il ait déjà ralenti l'allure dans "Serbis". "Kinatay" est assez particulier comme contruction, la première partie est presque classique, très colorée, si ce n'est qu'on retrouve, même plus légèrement, sa marque de fabrique de cinéma en immersion et ce génial travail sur le son en surégime (dans tous ses films), la pollution sonore dans une ville comme Manille, les d'embouteillages, le bruit de la rue, la foule, le moteur dans la voiture, etc... l'agression par le bruit tel qu'on le perçoit de manière exacerbée et qu'on supporte de plus en plus mal. En revanche, la seconde partie, est filmée en apesanteur, forme dérivée de l'immersion ancrée cette fois dans un univers flou, une tranche de réalité insupportable, qu'on préferait oublier, filmée souvent dans la pénombre quand ce n'est pas quasiment dans le noir, ce qui est habile car c'est la part sombre de l'histoire et l'image correspond à l'action horrible qui est en train de se passer ou plutôt au cauchemar que vit ce jeune étudiant en criminologie. Démarrant par son mariage, le film se terminera par son épouse au foyer. Vie lisse le jour, travail ignoble la nuit pour arrondir les fins de mois, double vie, double film.
Le film démarre sur un jeune couple qui va se marier en empruntant un bus kitsch nommé "Jesus" , on sent à chaque film combien Mendoza est en empathie avec son pays dont il filme un aspect particulier à chaque fois. Mais, contrairement aux précédents films, il montre ici, non pas la précarité extrême (les enfants mis en nourrice dans "John-John", la descente de police chez les dealers des bidonvilles dans "Tirador", la prostitution masculine dans "Serbis"), mais des coutumes dans une middle class moins pauvre mais pas très riche pour autant, ces mariages collectifs, ces repas de noces dans un fast-food, ces couples qui vivent presque tous déjà maritalement avant le mariage et que le juge sermonne comme le ferait un prêtre, met en garde, conseille. On aurait dû ce méfier de ce début de film pimpant... Ensuite, le jeune marié, sur les conseils d'un ami, accepte un boulot glauque avec un gang de Manille : collecter l'argent d'un trafic de drogue, se débarrasser d'une prostituée junkie, une certaine Madonna, qu'on enlève d'une boite de strip-tease crade pour une affaire de dope qu'elle n'a pas payé, de dealer qu'elle n'a pas donné... Dans la voiture, on la tabasse, on entend plus qu'on ne voit ce qui se passe, dans une maison isolée dans la campagne, c'est bien pire, on finira par se débarrasser de la malheureuse en la découpant en morceaux et en jetant le cadavre par fractions dans des sacs poubelles... Et l'équipe de nuit ira ensuite manger un morceau aux halles...
Au passage, Mendoza tâcle les médias, au début, c'est le type qui menace de se jeter du haut d'une pub pour passer à la télé et dont on intègre les appels de la mère dans l'émission TV, à la fin, c'est toujours la télé qui interviewe les gens qui ont trouvé une tête dans un sac poubelle... J'ai vu en mars à Deauville au festival du film asiatique "Jay", un film philippin traitant de la dérive de la téléréalité, un homme assassiné dont la famille apprend la mort en direct par l'entremise d'une équipe de production d'une émission de téléréalité qui s'invite chez eux, allume leur télé pour filmer la réaction de la mère et la soeur!!!
Classé auteuriste, quand on voit les films de son compatriote Raya Martin (en section parallèle avec "Independencia"), Brillante Mendoza, c'est presque du cinéma commercial en comparaison! Mais ses films déroutent les festivaliers à la recherche d'un modèle connu, ce cinéma qui reste novateur a encore du mal à trouver sa place, dommage.
Hafsia Herzi
Ronit Elkabetz, Michele Yeoh
Tony Leung sortant du Majestic
Les sections parallèles :
Le coup de coeur de Tadah! blog : "Eastern plays" à la Quizaine des réalisateurs où Jonathan F a passé toute la journée, films et conférences de presse.
Cannes chez soi...
Comme je suis invitée par Orange à suivre le 62° festival de Cannes (voir mon billet précédent...), outre mon billet de la Plage Orange entre J1 et J12, je donnerai tous les jours une idée de programme qui me plait sur Orange Cinéma Séries spécial Cannes du lendemain...
Lundi 18 mai sur Orange cinéchoc, démarre une semaine de films "Cult fiction" qui ont inspiré et influencé Quentin Tarentino comme "L'Année du dragon" de Cimino. Départ lundi soir avec "Coffy" 20h40 et "Friday foster" 22h10, deux films avec Pam Grier, une actrice star de la blackexploitation, cinéma qui fascinait Tarentino adolescent, il la fera tourner bien longtemps plus tard en lui donnant le rôle principal dans "Jackie Brown".