Magazine France

Tapage injurieux

Publié le 17 mai 2009 par Malesherbes

Le 27 février dernier, à 18h50, un Marseillais de 47 ans, professeur de philosophie, assiste à un contrôle d'identité en gare Saint-Charles. Il s’écrie alors à deux reprises : « Sarkozy, je te vois ! » D’après les policiers, ce professeur a porté atteinte à la tranquillité publique, « par la durée et la répartition de ses cris ». Il est cité à comparaître le 19 mai devant le tribunal de police pour « tapage injurieux diurne troublant la tranquillité d'autrui », délit passible d'amende selon l'article R 623-2 du Code pénal.

Cette information d’un incident que l’on peut considérer drôle, mais que je trouve plutôt sinistre, me risquant à le qualifier de brun, a suscité sur le site de Libération un nombre plutôt inhabituel de réactions que je me suis astreint à parcourir. Je parlerai tout d’abord de celles qui m’ont étonné, voire attristé, émanant des tenants de l’ordre, frémissants de terreur devant les attentats qui nous menacent et que nos bienveillants policiers nous épargneront, peut-être. J’étais surpris bien à tort. La scandaleuse propagande sécuritaire de l’élection présidentielle de 2002, puis les brillantes et si efficaces actions menées ensuite cinq ans durant par le Ministre de l’intérieur de l’époque que, par précaution, j’évite de nommer, ont surtout permis de faire s'épanouir ce genre d’opinions : « Bien fait pour lui, la police ne faisait que son travail », « Bien sûr, un enseignant, donc un fainéant, qui plus est de philosophie, donc un inutile, un de ces gauchistes qui pourrissent la jeunesse » et, hélas, tant d’autres.

J’en viens maintenant aux réactions que je qualifie de normales, peut-être même de sensées, au risque de me faire reprocher d’appeler ainsi a contratio les autres insensées. Elles sont fort heureusement trop nombreuses pour que je les cite toutes. Aussi me contenterai-je de rapporter leurs traits principaux. Comme ce professeur n’a pas fait obstruction à l’action de la police, ce qui serait délictueux, on cherche à le sanctionner obliquement et à dissuader d’éventuels imitateurs en essayant de lui dresser une contravention peu motivée. Une gare n’est pas un lieu particulièrement paisible où il serait possible de troubler la tranquillité d’autrui. Qu’y a-t-il d’injurieux dans le cri incriminé ? Le nom Sarkozy serait-il devenu une injure ? Je ne peux que condamner avec la plus extrême véhémence ce détournement scandaleux.

On peut reprocher à cette exclamation son côté mensonger. Il est en effet plus que probable (mais ceci peut être vérifié) que notre Président ne se trouvait pas alors Gare Saint-Charles. Plusieurs hypothèses sont alors envisageables :

- notre professeur est un menteur effronté mais, mentir n’est pas un délit, pas même à notre télévision qui se laisse aller à nous abreuver de sornettes, et l’on ne saurait le poursuivre pour ce fait.

- cet enseignant a été abusé par quelque ressemblance, facilitée par l’omniprésence de notre Président qui peut porter certains à le voir partout.

- il a été victime d’une hallucination, et il n’est pas question de sévir contre un malade mental.

- il a eu la chance d'avoir une apparition, comme d’aucuns voient la Vierge, auquel cas il convient au contraire de le récompenser pour avoir ainsi divinisé notre chef suprême.

Ce que l’on peut estimer, c’est que, troublé par le spectacle sous ses yeux, il se soit trompé sur le temps du verbe utilisé. Il eut été mieux inspiré en disant : « Sarkozy, je t’ai vu ». Il se serait ainsi tenu à l’abri de tout reproche car qui d’entre nous pourrait n'avoir jamais vu notre Président pas tout à fait omnipotent ?


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Malesherbes 59 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte