Réflexion quarante-sept (18 mai 2009)
Cacophonie monétaire en Europe ?
C'est la première grave crise monétaire et financière vécue par la Banque Centrale Européenne et par l'euro, et apparemment, pour l'instant, la monnaie unique a bien résisté. C'est toutefois aussi, pour beaucoup de banquiers centraux, la première fois qu'ils doivent apprendre à travailler ensermble, par delà les barrières des langues et les considérations nationales. Et là, le constat est plus mitigé.
A la différence des instances qui composent la Réserve Fédérale américaine (FOMC), structure créée en 1907 qui a déjà traversé un siècle, la crise financière de 1929, une grande dépression économique, ainsi que les première et seconde guerres mondiales et le financement de l'effort de guerre qui vint avec, la BCE et l'euro n'ont même pas une décennie d'existence, et pour certaines des banques centrales qui la composent et qui viennent tout récemment de rejoindre la zone euro, moins d'un an de vie commune (comme la Slovaquie, entrée au 1er janvier 2009, ou Chypre et Malte, entrées au 1er janvier 2008).
Initialement, la politique de stabilité des taux d'intérêt menée par la Banque Centrale Européenne tout au long de l'été 2007 et jusqu'à l'automne 2008, avec des taux directeurs de la BCE maintenus à 4%, puis à 4,25%, avait fait apparaître des dissensions au sein du Conseil des gouverneurs, entre des pays du Nord, autour des gardiens du temple de la Bundesbank, adeptes d'une politique monétaire restrictive, et les pays du Sud, favorables à un assouplissement plus rapide de la politique monétaire européenne. Mais ces dissensions s'étaient peu exposées en public. Certains hommes politiques, tel le français Nicolas Sarkozy, faisaient partie des plus critiques à l'égard de la BCE, conformément à leur habitude.
L'édifice s'est plus fortement lézardé lorsqu'il a été question de partage des pertes affichées par le Système européen des banques centrales (SEBC). Certaines banques centrales, telle celle de Slovénie, ont ainsi commencé à communiquer, en dehors de l'enceinte de la Banque centrale européenne, sur le partage des pertes de la BCE, dues à des erreurs d'autres banques centrales ... Ainsi Marko Kranjec, gouverneur de la Banque centrale de Slovénie, déclarait le 13 février 2009 : « dans le cadre du système européen de banques centrales, il y a seize membres et bon nombre d'entre eux sont contaminés par des actifs toxiques ; malheureusement, nous allons devoir, par solidarité, partager ce fardeau ... ». La Bundesbank, paragon de vertu en matière monétaire en Europe, ferait partie des banques centrales les plus exposées en matière d'actifs toxiques, ayant été moyennement regardante sur la qualité sous-jacente des actifs apportés en garantie, notamment dans le cadre de la faillite de Lehman Brothers.
Il est en effet très agréable et facile de partager des bénéfices, mais beaucoup plus difficile de partager des pertes. Heureusement pour la zone euro et pour les relations au sein du Système européen des banques centrales, les comptes 2008 de la Banque centrale européenne n'ont pas été à ma connaissance en déficit (les journaux parlaient pourtant de plus d'un milliard d'euros de perte). Les comptes 2008 publiés par la BCE font en effet état d'un bénéfice de 1.322.253.536 euros, ce qui ne posera pas du coup de problème de partage de pertes, mais d'un bénéfice, beaucoup plus facile à partager.
http://www.ecb.int/pub/pdf/annrep/ar2008annualaccounts_fr.pdf
J'ignore ma manière dont fut régler le problème évoqué des actifs toxiques détenus par certaines banques centrales nationales européennes. Beaucoup plus récemment, la cacophonie semble s'être encore plus agravée dans le cadre des modifications des règles d'apport et des types d'actifs acceptés par le Système européen de banques centrales ; les banques centrales dont les établissements bancaires ne sont pas émetteurs des nouveaux titres acceptés en garantie (obligations foncières) contestant publiquement les décisions prises et exposant publiquement leurs désaccords et leurs souhaits en matière d'extension de titres acceptés.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/05/16/la-cacophonie-publique-des-banquiers-de-la-bce_1194048_3234.html
La Banque centrale européenne saura-t-il résister à la crise financière et aux dissensions qui prennent de l'ampleur en son sein ? A moins que le problème ne soit Marko Kranjec, le gouverneur de la banque centrale de Slovénie ...
Saucratès