Empreintes d'une île perdue dans le temps
Publié le 17 mai 2009 par Fouchardphotographe @fouchardphoto
Au large de Sumatra, l'archipel de
Mentawai : des îles-marais dont la plus grande, Siberut, classée
Réserve de la biosphère par l'ONU, devient en partie un parc
national.
Quelque part dans l'océan Indien, au large de la côte ouest de
l'île de Sumatra s'éparpillent les îles de l'archipel de Mentawai.
Mentawai c'est là qu'a pris naissance le tsunami du 26 décembre
2004. C'est là aussi que vivent ceux que l'on appelle les «
hommes-fleurs » en raison de leur souci de beauté, de ces fleurs
d'hibiscus piquées dans leurs cheveux et, selon la tradition,
transmises de génération en génération. Puis du soin apporté aux
tatouages dont ils seraient les initiateurs.
« C'est de cet archipel que provient cette planche de bois gravée
et colorée de bois brûlé, comme un rappel de l'art des hommes de la
préhistoire », précise Joris Visser. Historien d'art spécialisé
dans les cultures non européennes, anthropologue culturel, c'est
dans le magnifique hôtel Frison, « hôtel oublié de Victor Horta,
pourtant le seul à être implanté au cœur de Bruxelles ! » que
sont exposés masques-crânes de Nouvelle-Bretagne, statuettes Ibo,
anorak en boyau de phoque des Inuits, figures ancestrales ou
ornements de danseurs d'Afrique, d'Océanie et d'Indonésie.
Entre le passé et le présent
Des planches gravées par les hommes Mentawais, Joris Visser dit
n'en avoir jamais vu que trois. « L'une représentait un singe,
l'autre un ibis, celle-ci est la seule à avoir une représentation
humaine. Soit des mains, des pieds, des cercles »
Des mains ? « Elles sont depuis Lascaux, il y a vingt mille
ans, un moyen de communication avec celui qui n'est plus là. Poser
sa main sur celle qui est représentée permet de se concentrer, de
se transporter, de relier le passé et le présent, de s'inscrire
dans une continuité, un peu comme le font nos photos de famille
Moyen de communication, certains la considèrent également comme un
objet de référence (un “kirikat”) ou de commémoration
quand elle est gravée sur la pagaie, désormais inutilisée, du
pêcheur décédé. »
Les pieds ? « Les experts n'en ont jamais vu ! Quant aux cercles,
ils sont probablement une référence aux tatouages, chers
aujourd'hui encore aux Mentawais ». Constitués de lignes et de
courbes, recouvrant parfois tout le corps, leurs motifs suivent la
tradition et sont encrés dans la peau avec un mélange de noir de
fumée et de jus de canne badigeonnés sur l'extrémité d'une baguette
de bois (le « patit ») frappée de point en point. Ils permettraient
de déterminer l'appartenance à une famille ou, en raison de
croyances animistes, serviraient à préserver intacte l'âme de
l'individu.
Symbole de présence dans le cycle de la vie, la main, mais que
penser de cette croix, tracée en filigrane et presque estompée ? «
Un missionnaire a dû passer par là et trouver ce témoignage fort
peu catholique ! Il a agi alors exactement comme les Mentawais et
tracé la croix du Christ, promu ancêtre collectif » !
Une culture immatérielle
Aujourd'hui, les Papous de Nouvelle-Guinée et les Mentawais peuvent
être considérés parmi les plus primitifs des peuples connus. Avec
une différence d'importance : les Papous ont une culture matérielle
impressionnante – maisons, plumes, terres cuites, bois, etc.
–, les Mentawais, eux, n'ont pas de culture matérielle ! Sur
leurs îles d'eau, d'arbres et de coquillages où ne vivent que des
oiseaux et de petits singes, ils n'ont jamais connu la pierre et
sont entrés directement dans le végétal. Leurs objets sont faits de
vanneries, leurs pagnes tissés d'écorces d'arbres coupés en
lamelles, autant de matériaux organiques qui ne peuvent résister au
temps
Les Mentawais sont des chasseurs-cueilleurs dans un contexte
extrême. Ils ne connaissaient pas le fer, n'avaient donc pas de
couteau et les boucliers, apanages des grands chefs, sont rares à
trouver. Alors que les Papous comptent deux ou trois grands
sculpteurs par village, l'île des Mentawais n'en recense qu'un ou
deux Mais qu'il soit en Australie, en Nouvelle-Guinée ou dans le
sud de l'Afrique, l'homme préhistorique a toujours eu la même
nécessité de s'exprimer et a partout dessiné des animaux et des
mains. « Main avec laquelle il entre en contact avec l'autre ou
main qu'il fait disparaître quand en vaporisant une poudre de
couleur sur celle qu'il appuie contre la paroi il la fait se fondre
avec la pierre. Qu'il la retire et n'en subsiste que son empreinte
»
COLJON,CLAIRE -
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