En complément de ma note de Jeudi dernier, voici de nouveaux éléments tendant à accréditer la thèse selon laquelle les stress test bancaires menés par la FED ne sont qu'une opération d'esbrouffe dont on cerne mal la visée stratégique, si tant est qu'il y en ait une.
Les ennuis ne sont pas terminés pour les banques américaines. Si d'aventure, un courtier en actions vous propose de souscrire aux augmentations de capital de ces établissements au motif qu'elles se feront à un prix discount, FUYEZ !
Les mauvaises incitations législatives à la faillite personnelle
Tout d'abord, tant les lois encadrant le crédit aux USA (lois définissant le profil de l'emprunteur, délais légaux de prescription des faillites personnelles dans les fichiers des banques, etc...), à commencer par les plans d'aides aux emprunteurs en difficulté, incitent ces derniers à "jouer avec le système" et à adopter des comportements leur permettant de bénéficier de la crise au détriment des banques prêteuses. Voici un post expliquant comment "battre le système":
Tom devises a plan to legally work the system. Tom stops paying his mortgage and property taxes. Tom pockets $4k a month.
Tom’s lender doesn’t send out a default notice for 6 months because said lender is really overwhelmed with foreclosure notices, plus there has been a moratorium. Tom now has $24,000 under his mattress.
Tom’s credit has gone bad and Tom’s credit card limits have been cut down to their balances. Tom is frustrated and spends some of his cash.
Tom now has $22,000. Tom’s lender under California law has to wait 3 months for a Right of Redemption period before filing a 21 day notice to sell his property at auction.
Tom pockets another $12k from not paying his mortgage payment. Tom now has $34,000.00.
(...)
4.5 years later the foreclosure falls off his credit report. Tom worked the system.
Les lois de "moratoire" et de "sauvetage" des mauvais payeurs permettent aux plus dénués de conscience d'entre eux de se refaire une santé sur le dos des banques. Et il semblerait qu'ils ne s'en privent pas.
Explosion des faillites en Mars et Avril
En effet, les forclusions (conclusions par une faillite) de prêts ont explosé en mars et en avril, ou au total 682 000 propriétés ont été forcloses. Dans le même temps, seules 135 000 propriétés forcloses ont retrouvé preneur. Les banques font face à un afflux de logements à la valeur plus qu'incertaine, souvent en mauvais état, qu'elles ne savent pas gérer. Les plans visant à permettre la restructuration des prêts trop lourds avec l'argent du contribuable sont en train de faire long feu. Voilà pourquoi, sans doute, l'administration Obama prévoit... De les renforcer, en attribuant à ce plan une nouvelle enveloppe de 75 milliards de dollars. On n'est plus à cela près... Voilà qui n'est pas de nature à rassurer les agents économiques sur l'état de leurs banques. D'autant plus que les nuages sombres s'amoncellent sur les en-cours de prêts immobiliers encore "debout"...
Immobilier : Nouvelles turbulences en vue, pronostic : 2009 T4.
Aux USA comme en France, de (mauvais) économistes espèrent un "rebond de l'immobilier" pour sortir de la crise, comme si l'augmentation du prix d'une dépense indispensable des ménages pouvait constituer une bonne nouvelle. Et il se trouve là bas aussi des porte parole des professions immobilières qui clament un peu partout que "c'est le moment d'acheter, tant les prix ont baissé".
Faux. Les prix baisseront encore: Tout d'abord, dans les régions où la bulle a été la plus sévère, les multiples médians (ratios "prix médian/revenu médian des ménages"), bien qu'en chute libre, ne sont pas encore revenus à leurs point bas historiques. Selon Wendell Cox:
But the re-entry into earthly prices is just beginning. In the four coastal markets, the Median Multiple has plummeted since our third quarter 2008 data just reported in our 5th Annual Demographia International Housing Affordability Survey. The most recent data from the California Association of Realtors would suggest that the Median Multiple has fallen from 8.0 to 6.7 in San Francisco, in just three months. In San Jose, the drop has been from 7.4 to 6.3. Los Angeles has fallen from 7.2 to 6.2 and San Diego has slipped from 5.9 to 5.2.
Yet history suggests that there is a good distance yet to go. California’s prices will have to fall much further, particularly along the coast. Due largely to restrictive land use policies, California house prices had risen to well above the national Median Multiple by the early 1990s, an association identified by Dartmouth’s William Fischel. During the last trough, after the early 1990s bubble and before the 2000s bubble, the Median Multiple in the four coastal California markets fell to between 4.0 and 4.5. It would not be surprising for those levels to be seen again before there is price stability.
On voit mal comment le marché pourrait se retourner avant que le point le plus bas soit atteint (courant 2010 ?), alors que les USA s'attendent à plusieurs mois de récession, une aggravation du chômage, et que la situation financière des ménages vis à vis des autres postes de crédit (cartes, crédits à la consommation) n'est pas meilleure.
Après les subprimes, les ARM et les Alt-A
Pire encore: l'explosion du nombre de ménages en "bilan négatif", c'est à dire, en français de tout les jours, "la tête sous l'eau", va exploser, parce que les crédits à taux variables et à paiements initiaux "intérêts seuls" arrivent massivement au delà de ces périodes initiales, justement. Voici un extrait de l'analyse de James Quinn, un des top 10 contributeurs du blog financier seeking alpha:
How can anyone in their right mind say that housing has bottomed when the months supply of new homes is at an all-time high of 13 months, the months supply of existing homes is 10 months, there will be 2.1 million foreclosures in 2009 versus 1.7 million in 2008, and 7 to 8 million more people will lose their jobs in 2009? Neither foreclosure counseling, foreclosure moratoriums or magic pixie dust will keep housing prices from completing their roundtrip back to 2000 levels. Bubbles never burst halfway. They burst completely and the mess spreads everywhere.
Boulevard of Broken Dreams
Now the bad news. We are in a momentary lull of mortgage resets. The subprime crisis is mostly behind us. Now the Option ARM and Alt-A crisis is coming down the track like a freight train. Even a Citicorp (C) or Bank of America (BAC) CEO could understand the following chart, given enough time and sixth grader to explain it to them. The Option ARM wins the prize for most creative financial product of mass destruction. These are ticking time bombs set to explode in 2010 and 2011.
The beauty of an Option ARM is that it usually has three options. You can make a principal & interest payment, just an interest payment, or a minimum payment that increases the principal balance. Most of these loans also had introductory low teaser rates. The resets for these loans skyrocket in 2010 and 2011. Payments on these loans will go up 50% to 80%. Most of these loans are already underwater. Millions more “homeowners” will walk away and foreclosures will grow.Encourageant, n'est-ce pas ? J'apprécie particulièrement l'ironie du commentateur :"même un PDG de banque peut comprendre le graphe ci dessus, si on lui laisse un peu de temps et un élève de 6ème avec lui pour le lui expliquer". Le quatrième trimestre 2009 va être très très chaud. Et entre cette date et 2012, ce sont environ 270 milliards de dollars de prêts supplémentaires (addition des barres du graphe rouge) qui seront touchés par des taux de défaillance inhabituellement élevés.
Et s'il n'y avait que les crédits ARM qui donnaient quelques frayeurs aux banquiers ! Le graphe ci dessous (crédit suisse, cité par Quinn et John Husmann) est particulièrement intéressant : il montre que la bulle qui vient d'exploser, celle des crédits subprimes, n'était que la première secousse qui attend le système bancaire. Nous sommes à la jonction de deux vagues de défaillances provoquées par des réajustements contractuels de taux d'intérêts (mortgage rate resets), celle des crédits subprimes, passée, et celle de tous les autres prêts variables, ARM, Alt-A, mais aussi prime...
Selon John Hussmann, déjà cité dans ce blog, seuls 40% des prêts devant faire l'objet d'un réajustement de taux contractuel ont déjà été réajustés. La quasi totalité des réajustements restants interviendra entre fin 2009 et 2012. C'est en général au moment du réajustement que les ménages sont étranglés et sont incités à choisir la faillite. Gasp !
Le crédit à la consommation : pas mieux !
Si seulement les mauvaises nouvelles en restaient là...
Sur le front des cartes de crédit, les banques vont devoir faire face à de nombreuses pertes supplémentaires. D'ores et déjà, elles augmentent considérablement leur marge d'assurance, et donc leur taux servi aux clients, pour se préparer au pire. Par exemple, american express s'attend à devoir faire une croix sur plus de... 10% de ses encours de prêts :
American Express Co said on Friday that U.S. credit card defaults jumped in April,
as a deep recession slashed hundreds of thousands of jobs in the last month.
In
a regulatory filing, the largest U.S. charge card operator by sales
volume said its net charge-off rate -- the percentage of debt it does
not expect to be repaid -- rose to 10.1 percent in April from 8.80
percent in March.
Bref, un scénario noir proche de celui prédit par Nouriel Roubini se matérialise, étape par étape. Sachant qu'il a prédit environ 2000 milliards de pertes à purger pour le système financier US, et que les banques ont pour l'instant provisionné à peu près la moitié en dépréciations, l'on se demande bien comment MM. Bernanke et Geithner ont fait pour parvenir à la miraculeuse conclusion que 74 Milliards de dollars suffisaient à recapitaliser ces établissements.
Des "stress test" pour la galerie
La réponse nous est donnée par la FED elle même, via le travail de décryptage de Karl Denninger :
Note: They asked the banks, they did not send in a team of examiners to look at the books independently. So the base data that was ingested into this process in fact came from the banks themselves, not from independent, outside examination. As a consequence it is fair to ask where the valuations came from and how they are supported, including the models and other information used to develop these figures.
This data is not disclosed.
Eh oui, la FED a... Demandé aux banques d'estimer elles mêmes leurs pertes potentielles selon un scénario pessimiste. Il n'y a pas eu d'audit indépendant ! Ces stress test ne sont ni plus ni moins qu'une mascarade.
Pas de stress test européens : des précautions conservatoires, d'urgence !
Cela n'empêche pas nos analystes et commentateurs de réclamer des stress tests européens pour les banques. C'est à la mode, cela fait sérieux. Mais cela ne nous renseignera en rien sur la solidité réelle de nos banques en cas de second Tsunami financier sur les banques américaines. Et si en plus quelques états commencent à être en banqueroute simultanément, alors là...
Nous ferions mieux de nous préoccuper de rendre faciles les échanges dette pour capital à grande échelle pour les banques (y compris chez nous), afin de préparer la grande débandade de 2010-2011 dans des conditions acceptables, sans devoir une fois de plus ponctionner le contribuable, qui, de toute façon, ne pourra plus payer. Naturellement, ce n'est pas la direction qui est actuellement prise, ni outre-Atlantique ni de ce côté ci de l'océan.
La gestion par les gouvernements d'une crise encouragée par de mauvaises politiques gouvernementales visant à "battre le marché" va aboutir à une catastrophe économique de très grande ampleur, que lesdits gouvernements et le choeur des braillards médiatisés imputeront "aux marchés et à la cupidité du monde de la finance".
Non seulement nous sommes gravement malades, mais les docteurs diafoirus qui nous dirigent prétendront nous guérir en nous administrant les médications qui nous ont inoculé la maladie. Après une décennie perdue en terme de création de richesse, la prochaine sera celle de tous les dangers.
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