Je suis comme Evelyn Couch, l'un des personnages de ce savoureux roman, face à ce plaisir de lecture : « il lui suffisait de fermer les yeux et d'écouter la voix de Mrs Threadgoode. Si elle respirait profondément et concentrait son attention, elle parvenait à se projeter dans le petit monde de Whistle Stop. Elle entrait dans le salon de coiffure d'Opal, avait même l'impression de sentir l'eau chaude du shampooing. Puis elle rendait une petite visite à Dot Weems derrière son guichet à la poste, avant d'aller au café retrouver Stump, Ruth et Idgie. Elle commandait à déjeuner, et Wilbur Weems et Grady Kilgore venaient la saluer. Sipsey et Onzell lui adressaient de grands sourires, et elle entendait la musique dans la cuisine. Tout le monde prenait des nouvelles, le soleil brillait toujours et il y avait toujours un lendemain... »
Cela se passe comme ça, dans le roman de Fannie Flagg. On plonge dans le Sud des années 30, en pleine ségrégation raciale et dépression économique, pour atterrir aux années 80, à la maison de retraite de Rose Terrace où Ninny Threadgoode et Evelyn Couch se retrouvent pour parler du bon vieux temps, en mangeant quelques sucreries.
Whistle Stop, Alabama. Cette petite communauté reprend vie, les personnages s'animent devant nos yeux, le café de Ruth et Idgie ouvrent ses portes, on y mange des oeufs aux plat, du gruau de maïs, des petits pains au lait, du bacon, de la saucisse, du jambon à la sauce piquante, du poulet frit, des côtes de porc en sauce, des gombos, des petits navets frits, des patates douces braisées, des haricots blancs et des beignets de tomates vertes.
Je ne vous raconte pas le bonheur de suivre cette brochette d'hommes et de femmes aux vies simples et ordinaires, et pourtant si palpitantes. C'est une vraie histoire qui se dessine sous nos yeux, avec ses drames, ses éclats de rire, ses passions amoureuses. Je dis ça en toute innocence, mais c'est très difficile, à la fin, de leur dire adieu ! C'est comme tourner la page de la gazette hebdomadaire de Dot Weems, avec l'estomac noué, mais on est tellement heureux aussi d'avoir reçu autant d'amour. En plus d'être savoureux, c'est un roman sur la Vie qui vous communique une envie de la croquer à pleines dents.
Ce serait bien si un éditeur le remettait au goût du jour, car ce livre est injustement indisponible (merci fashion!) ou à chiner dans les brocantes.
Editions J'ai Lu, 1992 - 475 pages.
Traduit de l'anglais (USA) par Philippe Rouard
A moi le film, maintenant !!!