Un téléphone portable à l’allure de paquet de cigarettes. L’autre en forme de voiture de sport. Un troisième muni d’une mni sono avec sept mini-enceintes . Ou encore des GSM peluches… Voici un mince assortiment des nouveaux modèles délirants de téléphones cellulaires qui s’arrachent ces derniers temps en Chine.
Ces combinés, appelés aussi Bandit Phone, sont à l’origine d’une vraie vague de passion dans le pays, le plus grand marché du mobile au monde, avec déjà plus de 600 millions d’utilisateurs. Quelque 8 millions d’utilisateur s’ajoutent chaque mois. Ces Bandit phone pourraient bien jouer le rôle d’une boule de bowling dans un jeu de quilles bien ordonné.
Nokia & Cie concurrencés par les Bandit Phones
Jusqu’aujourd’hui, les grandes marques internationales, comme Nokia (plus de 37% de parts de marché), Samsung, Motorola, dominaient le secteur. Quelques producteurs locaux se déployaient dans leur ombre. Bird, par exemple.
A ce stade, les grands constructeurs sont encore dominants. Pour l’instant… Car le quatrième trimestre 2008 a secoué quelques certitudes. Les ventes du leader Nokia en Chine ont dévissé de 36% d’une année à l’autre (12,9 millions de téléphones portables écoulés, contre 20,2 millions au quatrième trimestre 2007). Certes, la période, crise mondiale oblige, n’est pas propice aux records de ventes. Le marché chinois des combinés mobiles n’a toutefois connu, lui, qu’un léger tassement: - 1,8% de ventes en moins au quatrième trimestre 2008.
Depuis, Nokia s’est quelque peu rétabli sur le marché chinois au premier trimestre (17,9 millions de combinés vendus). Certains spécialistes n’en prédisent pas moins des temps plus difficiles pour les multinationales du mobile dans l’Empire du Milieu. La faute au “Bandit Phone”.
Fabriquer son téléphone mobile en kit, plongée un peu plus loin dans la globalisation
Au départ, les Bandit phone sont de simples répliques de modèles existants. Il y a trente ans, les tigres asiatiques comme Taïwan ou Hong Kong, copiaient des jouets, des appareils photos reflex, etc. Trente ans plus tard, les mêmes producteurs sont capables de contrefaire des GSM de marque comme s’il s’agissait de lunettes de soleil ou de maroquinerie de luxe.
De faux iPhone Apple, de faux Sony (rebaptisé SQNY), apparaissent ainsi, ces derniers temps, sur les étals de Shanghai ou Shenze.
Cette contrefaçon est le résultat d’un nouveau cap franchit dans le processus de globalisation de la production. Depuis des années, les Nokia, Motorola, Samsung mais aussi Dell, Toshiba, etc. sous-traitent la production de composants électroniques auprès de fabricants asiatiques (dont une grande partie viennent de Taïwan, à l’instar de Mediatek). Compte tenu des énormes volumes de composants produits aujourd’hui par les sous-traitants asiatiaques des grandes firmes, le prix des pièces s’est nettement démocratisé. Une mini-caméra intégrée, considéré comme un comble de sophistication voici seulement six ou sept ans, se vend désormais 1,29 dollar la pièce, selon un récent article du New York Times. Autrement dit, quasi rien…
Les pièces détachées sont donc disponibles. Reste à assembler le kit. Fabriquer un téléphone portable “produit blanc” est, de la sorte, devenu à la portée de premier artisan venu, ou presque:
“Five years ago, there were no counterfeit phones. You needed a design house. You needed software guys. You needed hardware design. But now, a company with five guys can do it. Within 100 miles of here, you can find all your suppliers.” selon Xiong Ting, responsable commercial de Triquint Semiconductor, un fabricant de composant, cité par le NYT.
Prix d’un circuit électronique : 20 dollars. Une coque en plastique : 5,59 dollars. La batterie : 1,49 dollar. Voila pour les éléments les plus coûteux. Pour le reste, un vibreur, un clavier, un micro, etc.. Ces éléments s’achètent sur le marché de gros à moins entre 30 et 80 cents pièces… Ce qui ramène le coût total des matériaux à… moins de 40 dollars.
Et encore, pour les téléphones de qualité supérieure. Car les petits fabricants locaux, parfois moins de dix personnes, s’organisent dans le marché gris pour écouler des combinés Shan Zhai à moins de 20 dollars… Une aubaine notamment pour les plus de 700 millions de paysans qui peuplent la campagne chinoise et qui constituent l’énorme masse des futurs clients potentiels du mobile…
Une réduction des barrières à l’entrée qui permet une explosion de créativité et la multiplication des petites acteurs,… comme sur internet
Une vraie culture du Shan Zhai est en train des germer dans les mégapoles chinoises et autour où le téléphone portable (comme au Japon ou en Corée du Sud) s’avèrent un vrai objet d’identification.
Compte tenu du prix de production très bas, des milliers de nouveaux appareils de forme et nature diverses pleuvent sur le marché. Pas de limite à l’imagination. Pas de copieux code graphique, de charte d’image ou de brand réputation à respecter absolument, à l’instar des grandes marques internationales. Il en découle… un foisonnement créatif (voir présentation ci-dessous de Karl J. Weaver). Téléphone cellulaire avec rasoir électrique intégré, téléphone bouddha, téléphone de paparazzi avec caméra et téléobjectif,…
Beaucoup de Chinois raffolent de ces gadgets, que leur offrent à présent sans vergogne une foultitude de producteurs locaux, loin des standards de l’industrie internationale.
En quelques mois, ces derniers sont passés d’une position de contrefacteur des grandes marques internationales à celui d’innovateur… Mieux, ils les devancent et affichant un potentiel créatif et une agilité bien supérieure. La qualité n’est peut-être pas encore là. Les Bandit phone risquent fort, cependant, de grignoter des parts de marché aux leaders, dans les années à venir.
Fragmentation des marchés, personnalisation de masse et changement de paradigme
Cet exemple de la culture Shan Zhai constitue une transposition dans le monde réel de ce que l’on peut observer aujourd’hui sur internet. Où l’on découvre, comme sur la Toile, la prolifération de petits acteurs très agiles capables de tailler des croupières aux grandes marques installées, comme on l’a observé déjà dans des secteurs comme la banque, les voyages en ligne, la vente par correspondance, la transport aérien, etc… Le phénomène Shan Zhai démontre aussi que le modèle des mash ups, par exemple (assemblage créatif), est possible dans le monde physique.
Moins grand, mais aussi moins cher, plus rapide et, surtout, plus créatifs, tel semble devoir être le modèle gagnant de ce début de 21ème siècle… La fragmentation des marchés est une tendance lourde des prochaines années. Tout comme la personnalisation de masse. Les grandes marques devront en tenir compte. Une myriade de petits concurrents s’apprêtent à leur mener la vie dure…
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