Magazine Beaux Arts
Une époque dans laquelle l’écho des anonymes est persistant, un changement dans la constitution culturelle puisque chacun écrit, puisque chacun est mémorisé dans les bases de données du système banquaire ou du réseau Internet. Plus de place pour les seuls scribes, pour ceux qui faisaient autorité et qui parlaient “au nom” des autres. Peut-être les anonymes sont-ils bruyants et inaudibles, peut-être les considère-t-on encore comme du bruit, mais ils s’inscrivent massivement pour la première fois. On peut y rester insensible. Continuer à créer en laissant cela de côté, faire comme si de rien n’était, continuer comme avant, comme quand ils ne s’inscrivaient pas, puisque justement ce n’est pas de l’art. On peut au contraire en faire le coeur même de “son” travail, donner à entendre, dans l’indistinction des voix, ce qui s’y trame, toutes les histoires singulières, souvent infimes. Ne pas chercher de repère, de synthèse, mais plonger dans le flux de cette multiplicité devenant palpable.