Pourquoi 5 minutes de présentation ne servent à rien, ou une critique facile et totalement gratuite d’un exercice largement répandu dans les TD de langue dispensés aux étudiants scientifiques en cette période de reprise, par un étudiant qui a subi cette pratique à son heure… Puisqu’autant l’avouer, j’ai comme beaucoup d’entre vous été contraint de parler à mes condisciples, pendant 5 minutes, d’un sujet “libre”, relatif à la science, en langue anglaise. Et comme un plus petit nombre d’entre vous, je me suis dit qu’au final, malgré quelques points positifs, ça ne servait à rien. Yeah, this is bullshit, comme ils disent.
J’imagine que vous avez tous, étudiants en science, vécu ça au moins une fois. Le chargé de TD de langues (donc d’anglais, la langue de la science étant ce qu’elle est) vous informe que pour la semaine prochaine, vous devrez présenter une intervention orale de quelques minutes sur un sujet “chaud” de l’actualité de votre domaine.
C’est une idée tout à fait louable, sauf que voilà, le faire en cinq minutes, ça n’avance pas à grand chose. Réagir à un sujet chaud, ça veut dire en clair foncer à la bibliothèque (ou alors, ouvrir son lecteur RSS préféré, ou encore se rendre sur le site du New Scientist ou autres,…) et ouvrir un sommaire d’une revue au présentoir, regarder un article qui à l’air intéressant, et se motiver pour le résumer en cinq minutes, dans un anglais intelligible, en rendant la substance des résultats et des méthodes.
Bien que personne n’aie pris la peine de nous donner l’objectif pédagogique de ce travail, nous avions à l’époque utilisé nos talents de jeunes étudiants formés à la logique hypothético-déductive (mais pas que, ce serait du suicide) pour les découvrir par nous-même. Il était ressorti de cette vibrante discussion autour de la machine à café que ces objectifs étaient (a) de nous faire parler en anglais, (b) de nous forcer à lire un article, mais surtout à lire en anglais, et (c) de nous obliger à synthétiser le résultat de notre lecture.
A priori, donc, trois objectifs tout à fait louables (pour autant que nous ayons deviné juste à l’époque, mais j’ai confiance). Sauf qu’au final, tout le monde a considéré cet exercice comme la plus flagrante tentative de chronophagie depuis la mise en vente de Civilization I, c’est dire.
C’est là que je dois introduire une nuance à mon propos. Cet exercice peut-être hautement profitable pour des étudiants en premier cycle (le niveau de “participativité” du lycée, et le niveau global d’anglais des lycéens étant ce qu’ils sont). C’est quand on l’impose en Master que j’ai quelques doutes.
Nous faire parler Anglais. Je n’ai rien à redire sur ce point. En plus, c’est souvent très drôle à entendre. Tant que ça n’empêche pas de pratiquer l’oral en dehors de cet exercice, aucun problème. C’est même plutôt agréable de pouvoir massacrer une langue pendant cinq minutes sans être interrompu pour un stress mal placé. En revanche, les deux points suivants me semblent plus discutables.
Nous faire lire en anglais, ou nous faire lire des articles. Première remarque, façon enfonçage de portes ouvertes, statistiquement, lire un article revient à le lire en anglais. C’est peut-être assez lié au fait que notre chargé de TD n’avait pas intégré cette dimension de la littérature scientifique, je n’en ai pas tellement parlé avec d’autres personnes.
Nous forcer à synthétiser notre lecture. C’était sans compter notre tendance à “travailler moins pour se fatiguer moins”, tout en ayant la meilleure note possible bien entendu. Et le meilleur ami de l’étudiant qui doit faire un résumé d’un article, c’est le synopsis. Le synopsis, ou la plus belle invention de l’édition scientifique depuis… Depuis toujours, en fait! Le synopsis, c’est un résumé de l’article, écrit par un chercheur (Franz De Waal en a signé chez PLoS One, par exemple) qui présente le contexte, les résultats, et les perspectives ouvertes. Avec un peu de chance, si la méthode est assez originale, le rédacteur en aura touché deux mots.
Le format d’un synopsis étant relativement normalisé, si vous trouvez la bonne vitesse de lecture, vous pourrez vous en sortir en 5 minutes. Je ne dis pas que tout le monde plagie les synopsis, bien sûr, ce n’est pas le cas. Par contre, c’est un facteur déterminant dans le choix d’un article, et souvent un guide très utilisé lors de la rédaction de la présentation (et si vous ne trouvez pas d’article avec un synopsis, traduisez sans vergogne un billet de votre propre blog).
Donc, cet exercice conçu pour nous apporté plein de bonnes choses ne fait que nous inciter à y investir le moins d’énergie possible. Sans parler de son côté frustrant. Pas de possibilité de se pencher sur le contexte “en profondeur” (ce qui exclut de fait pas mal de papiers intéressants), pas de possibilité de mettre en avant des perspectives (ce qui enlève pas mal de leur intérêt à un non moins grand nombre de papiers), etc etc…
Il m’a semblé beaucoup plus intéressant de préparer des présentations de 15, 20, ou 30 minutes, peu importe la langue, d’ailleurs. Ca oblige à avoir une lecture “approfondie” des articles, à les remettre dans leur contexte, à voir ce qui s’est fait depuis. Plus proche de ce que je cherche à faire quand je lis un papier “pour de bon”, donc. Et s’il faut parler anglais, pourquoi ne pas organiser des débats? Ce qui aurait sans doute pour conséquence de rehausser la quantité de stimulation introduite par la perspective d’un TD d’anglais.
Pour finir, donc: présenter un article en anglais en cinq minutes, c’est un exercice qui est sans nul doute intéressant au début des études. Après 4 ou 5 ans, ça perd beaucoup de son charme, puisque peu d’étudiants ont vraiment la volonté de s’y investir. Moi le premier, par ailleurs. Si j’avais une suggestion à faire, ce serait bien évidemment de le remplacer par l’organisation d’un débat, sinon d’une réelle discussion autour d’un sujet d’actualité. Ce qui, de manière générale, n’est pas un sport très répandu en fac’ de sciences (mais c’est un autre problème…).
PS: Quelques informations sans grand intérêt. Ce blog tourne maintenant avec la dernière version de Wordpress 2. Le thème est une création de votre serviteur, bien que reprenant de larges pans du thème par défaut. L’anti-spam a changé, Akismet ayant laissé sa place à Spam Karma 2. Les problèmes de commentaires mangés devraient donc disparaître, sauf ceux d’, dans le cadre de ma cabale dirigée contre les sociologues, bien évidemment.