Dehors
Depuis trois jours tombe sans interruption la même averse, le même orage. La nuit, les éclairs convulsent contre la vitre gauche de la chambre. Les trains à l'extérieur restent exposés au ciel toutes vitres ouvertes. Le matin, dans les wagons inondés, le sol coule fonction du sens de la marche, du rythme des arrêts. Les sièges sont imbibés, on s'assoit un sur deux. On se croirait pressé dans une fiction-bis qui aurait pu être, un tracé parallèle potentiellement prenable mais qu'on s'est retenu d'emprunter. On n'y est pas, pourtant. La journée (mettons onze heures), il fait déjà nuit dehors, et les façades d'immeuble reflètent le gris des nuages. Dans les rues l'humidité s'avale et se respire.
Dedans
Coup de tête deuxième partie arrive à son terme. Depuis deux semaines, je relis les mêmes dix dernières pages, celles qui viennent d'être ajoutées, corrigées et greffées au reste (qui date de décembre dernier). Durant le week-end, sans doute, je construirai une version liseuse de cette partie II, à emporter la journée, à relire entre deux trains ou deux heures de rien. Nous ne sommes pas loin d'une version quasi-définitive, semblable au travail effectué sur la première partie en début d'année. Se pose (pourtant) toujours le sempiternel problème de la fin (de partie j'entends). Je ne sais pas vraiment comment (où) couper, j'ai tendance à trop en faire. Je m'interdis d'arrêter un chapitre en plein milieu d'une phrase, c'est peut-être une déviance, une erreur. Je veux trop bien faire, trop bien enrober les choses. Que tout sonne juste et soit joli. Je dois m'en défaire et trancher vif, utile, en accord avec le reste.
A la fin de la partie II, le narrateur doit être dans une configuration mentale qui permettrait l'espoir d'accéder à. Je dois transmettre à la page cette illusion d'y être – tour de passe-passe – pour aussitôt la trancher net. Délicat.
Idem pour la sensation de faim, de chaleur stagnante, qui sont censées traverser le récit, rester palpable mais non visible, gardée cachée sous la surface. Manipulation peu évidente à appliquer. Illusion d'y être, là encore. Je dois reprendre les impressions ressenties à la lecture de Faim de Knut Hamsun, prendre ce que j'ai à y prendre, laisser le reste. Gérer cet équilibre qui peine à prendre. J'ai peut-être encore trop le nez dessus pour avoir une vision juste et panoramique de ce degré du texte. D'où la nécessité de changer de format, peut-être même virer papier, gagner cette hauteur là.
J'ai cru il y a quelques semaines que mon emploi du temps actuel n'était plus compatible avec l'écriture longue sur la durée. L'écriture courte, quotidienne, fragmentaire de mes projets parallèles semblait plus adapté. Bien sûr, c'est une excuse. Le mot adapté, justement, ne l'est pas : c'est confortable qu'il vaudrait mieux dire. Coup de tête avance lentement, avance quand même, je bataille, je m'en contente parfois, je me reprends souvent. La partie II sera lisible d'ici la fin du mois sans doute, ensuite je passerai à la III, en attendant le reste.