Outre-Manche, cette décision a toutefois été considérée comme une erreur manifeste de marketing, ce qui n'a pas échappé à une cliente de 26 ans, Beckie Williams. Cette dernière, après avoir essuyé un premier refus à sa demande de rétablissement d'un prix unique, a fini par recueillir plus de 17.000 signatures de protestation sur la page Busts 4 Justice qu'elle a créée pour la circonstance sur Facebook. La jeune femme n'avait en outre pas hésité à acheter une action de M&S afin d'interpeler le président de l'entreprise au cours de l'assemblée générale des actionnaires.
Devant la pression médiatique, par crainte d'une détérioration de son image face à l'accusation de " discrimination flagrante " (et, peut-être, de peur qu'on en fasse des gorges chaudes...), l'entreprise vient de céder aux revendications de ses clientes. Non sans humour, elle a même publié une pleine page de publicité dans la presse britannique, assortie du slogan " we boobed ", un calembour intraduisible, mais jouant sur le double sens du mot " boob " qui signifie tout autant " gaffe " que " nichon ". Un bel exemple de fair-play.
Cela dit, quelle que soit la taille du bonnet concerné, le vocabulaire argotique anglais se
Ainsi " bossoirs " est-il un terme de marine désignant, selon le Littré (édition de 1956), " chacune des deux grosses pièces de bois qui servent à suspendre et à hisser les ancres ". La marine fournit encore d'autres mots imagés, comme flotteurs, bouées, avant-postes, plus rare, " médailles de sauvetage " et - fruit d'un évident jeu de mots, " gardes-côtes ". Notons les emprunts au théâtre (le balcon, les avant-scènes), à la botanique (melons, noix de coco, pamplemousses, pastèques, pommes de Vénus), à la géographie (globes, mappemondes, monts), aux sciences et techniques (montgolfières, obus, pare-chocs). Même la littérature fut mise à contribution, notamment avec " Athos et Porthos " (une expression qu'Alexandre Dumas, grand amateur de femmes, n'aurait pas désavouée) ou, plus curieusement (à moins qu'il ne s'agisse d'une référence à la calvitie) " les frères Karamazov ". On remarquera en outre que l'argot, langue vivante s'il en est, s'enrichit, au fil des siècles, de mots nouveaux qui reflètent les évolutions de la société et des technologies, l'introduction récente du terme " airbags " en apporte la preuve.
Dans le prologue de Seins, Ramón Gómez de la Serna définit sa démarche tout en dénonçant les hypocrisies (toujours actuelles) de manière réjouissante :
" Ce livre n'est pas un livre pornographique. Il ne renferme aucune obscénité mais de la sérénité, une sérénité sensible, une tranquille et souriante contemplation du spectacle des innombrables seins grappillés dans les vergers de la vie. [...] Mon livre ne satisfera ni les vieillards libidineux ni les magistrats d'une bassesse noire ; aucun de ceux qui se cachent dans une chambre fermée à double tour pour lire des livres pornographiques ; pas plus que les faux curés qui, comme l'a dit Carlyle, sont ce qu'il y a de plus faux au monde. Ils me traiteront, pourtant, de pornographe, car ils s'irriteront de voir ainsi gâcher leur plaisir solitaire par tout ce qu'il y a de réflexion, de tragique et de silence dans ma prose.
Tous ces gens qui ont la haine de la libre pensée - et qui commettent cependant les actes les plus honteux - sont des gens qui désirent une sensualité noire et baveuse, mais hors la loi, une sensualité horrible, confinée dans l'ombre alors qu'elle doit être lumineuse pour révéler son harmonie (qu'ils voudraient, injustement, proscrire, sachant bien que sa force est toujours plus révolutionnaire que les décrets politiques. "
En voici une, intitulée Les seins de la maison de campagne :
" Dans la villa, dans la maison de campagne, les seins sont pareils aux mouillettes de pain du petit déjeuner. Ils redeviennent des seins dans l'alcôve de la demeure, de grandes fleurs d'oranger odorantes. Ils sont à la villa ce que les lapins blancs sont au clapier. Ils traînent parfois dans des lits éclatants de blancheur amidonnée, par de beaux matins clairs qui viennent s'y étendre, des lits qui restent défaits jusqu'au soir, profitant de la vie sans façon des villas solitaires. "
Hymne à la féminité, petit manifeste hédoniste, drôle, malicieux et grave, parfois même morbide, ce recueil où chaque mot semble choisi avec la minutie d'un orfèvre se lit d'une seule traite ou par petites touches, mais avec un plaisir toujours renouvelé ; de ces plaisirs littéraires trop rares qui donnent envie d'explorer l'ensemble des œuvres de cet écrivain qui publia plus de cent volumes.
Illustrations : Publicité de Marks & Spencer - Shu Yong, Bubble Woman, sculpture - Ramón Gómez de la Serna, photographie.