Malou Innocent – Le 15 mai 2009. Le président américain Barack Obama a récemment rencontré les dirigeants du Pakistan et de l’Afghanistan pour discuter de leur engagement à combattre les terroristes dans la région. La couverture médiatique des discussions tripartites a généralement donné une appréciation favorable des efforts du président américain, même si les conditions dans la région ont été décrites, selon ses propres termes, de « conditions de plus en plus périlleuses ».
M. Obama mérite d’être salué pour avoir mené la réunion. Contrairement à son prédécesseur, il semble mieux apprécier le caractère sérieux du premier défi américain en matière de politique extérieure. La région pakistanaise frontalière de l’Afghanistan reste complètement sous l’emprise talibane. L’armée pakistanaise, quelles qu’en soient les raisons, a perdu la souveraineté de l’État, la police et de l’éducation au profit de militants dans les zones du nord. Et, en Afghanistan, le président Hamid Karzaï est largement perçu comme corrompu.
Il est devenu un secret de polichinelle que des éléments des services secrets pakistanais, dominés par les militaires, fournissent une aide précieuse à l’insurrection djihadiste que les USA et les troupes de l’OTAN combattent en Afghanistan. Si le fossé stratégique entre Islamabad et Washington persiste, la campagne militaire en Afghanistan se soldera par un échec.
Si dans l’Est et le Sud de l’Afghanistan l’insurrection reçoit un soutien local, les commandants talibans s’installent aussi confortablement de l’autre côté de la frontière, du côté pakistanais.
Les faucons au sein de l’armée et des services secrets pakistanais utilisent l’insurrection pour émousser l’influence grandissante de leur Némésis à croissance rapide, l’Inde, qui soutient fermement le régime de M. Karzaï. Les projets du haut commandement pakistanais peuvent alors être différents de ceux des forces de sécurité sur le terrain. La force paramilitaire du Pakistan, un corps frontalier fort de 80 000 hommes a en charge de faire respecter la loi et l’ordre dans la Zone Tribale Administrée par l’Etat fédéral, dans la Province adjacente du Nord-Ouest et au Baluchistan.
En octobre dernier les USA ont approuvé le Programme de Développement de la Sécurité (Security Development Programme) pour « former les formateurs » et améliorer la sécurité le long des 2600 km de frontière avec l’Afghanistan. Malheureusement, la plupart des soldats sont recrutés au niveau local, dans les provinces dominées par les Pachtouns, et seront sans doute réticent à combattre des militants pachtouns.
Parce que les forces de sécurité du Pakistan se sont révélée incapables – et parfois, ont refusé - d’éradiquer les havres de militants, Washington a décidé de s’attaquer au problème directement. Mais M. Obama a continué la politique de son prédécesseur consistant à faire usage de frappes de missiles drones Predator, politique qui a conduit à exacerber le radicalisme et à pousser le militantisme plus profondément au Pakistan.
Les frappes aériennes ainsi que les autres mesures expéditives ne permettront pas de réduire l’écart stratégique entre Washington et Islamabad. Une pièce sur l’échiquier a été oubliée et c’est l’Inde, pour la raison évoquée plus haut. Ainsi, tant que M. Obama ne pourra rassurer les faucons de l’appareil militaire et de renseignement pakistanais que l’Inde ne représente plus une menace pour leur pays (une promesse sans doute impossible à garantir, il est vrai), l’impasse persistera en Afghanistan. M. Obama doit accepter la réalité qui veut que si les USA et l’OTAN veulent gagner la guerre en Afghanistan, ils ont besoin d’un partenaire qui combat ses ennemis, pas ses amis.
Malou Innocent est analyste au Cato institute.