Magazine Cinéma
Un Uomo Chiamato Apocalisse Joe
1970
Léopoldo SAVONA
Avec Anthony Steffen, Eduardo Fajardo
Trente minutes de carnage. Le film dure une heure trente, et les trente dernières minutes consistent en un jeu du chat et de la souris où Anthony Steffen décime quasiment à lui tout seul une bande entière dans un village désert. Sachant que la première heure n’est pas non plus avare en action à base de morts virevoltants, vous savez déjà que ce film-ci ne décevra pas l’amateur de spagh en manque. Léopoldo Savona parvient à tirer le meilleur parti d’un budget assez modeste, et l’ensemble ne paraît pas ridicule, en termes de figuration, de costumes et de recherche esthétique. Le scénario totalement conventionnel ne permet pas à cet Apocalypse Joe de dépasser le simple statut de petit western sans prétention, alors comme d’habitude, c’est ailleurs qu’on va chercher des petits trucs à dire.
En premier lieu on note des similitudes curieuses avec le Pale Rider de Clint Eastwood :
Uno : la mine d’or exploitée par des gens pas très recommandables
Dos : la brute gigantesque (Fernando Bilbao) que notre héros va remettre à sa place
Tres : le décanillage ludique des méchants avec notre héros qui apparaît toujours à des endroits un peu improbables.
C’est sans doute plus l’effet d’une coïncidence tant ces éléments sont des motifs récurrents du western, mais c’est tout de même curieux.
En second lieu, on pourrait encore discourir des heures sur Anthony Steffen. Aucun miracle ici, il est toujours le parfait exemple de non jeu, agrémenté d’un charisme de laveur de carreaux dépassé par les évènements. La dernière étincelle dans son regard remonte à son dernier rappel de vaccin, et à chaque fois qu’il se lance à dire plus de trois mots on a peur pour lui. Le pire c’est qu’ici il doit déclamer du Shakespeare afin de fournir au film sa dose réglementaire de caution intellectuelle tout en flattant notre culture confiture à chaque fois qu’un bouseux de l’ouest almeriense ignore le dramaturge. Anthony Steffen qui déclame du Shakespeare, c’est les sueurs froides assurées, non Tonio, ne t’aventure pas là-dedans, sors ton flingue et tais-toi.
Ce qu’il fait heureusement. Et c'est vraiment curieux qu'un acteur aussi insignifiant puisse rendre tous ses films non seulement identifiables du premier coup d'oeil, mais également aussi attachants. L’autre point notable sur Anthony Steffen dans ce film c’est qu’une fois n’est pas coutume, il a la putain de classe. En tout cas au début, pistolero tout de noir vêtu, il semble vraiment crédible, et avec ces cheveux mi-longs ondulés, il ressemble beaucoup au Mister Blueberry de Dust.
Alors, n’est-il pas magnifique notre Tonio ? Mais comme dans Gentleman Killer, l’élégance se ternit rapidement par la suite, à force de courir sur les toits de se faire passer à tabac et de faire des roulades pour tuer trois gars à la fois.
L’autre point commun d’ailleurs avec Gentleman Killer, c’est l’emploi d’Eduardo Fajardo. Il faut toujours un bon méchant pour faire un bon film, et avec Eduardo Fajardo d’habitude on est tranquille, sauf que là, si son jeu est sadique comme il se doit, son look est totalement raté, avec son foulard rouge et ses favoris grisonnants, il ne paraît pas inquiétant le moins du monde. Mais ce n’est pas grave, les images du DVD allemand prêté par l’amigo Sartana sont magnifiques, et la musique de Bruno Nicolai, sauvagement plagiée sur Morricone est parfaite pour le film. Vous connaissez la musique: si vous aimez le spagh, celui-ci vous ira très bien, sinon, vous risquez bien d'être affreusement déçus!