La Star Alliance cherche ŕ séduire de nouveaux membres.
Pour les économistes, c’est un sujet d’étonnement, voire de perplexité : l’industrie des transports aériens reste trčs morcelée. A l’opposé de l’automobile ou encore de l’informatique, domaines dominés par une poignée de grands intervenants, l’aviation commerciale internationale continue de mettre en scčne plus de 200 acteurs, un millier si l’on prend en compte les compagnies régionales.
Le poids de l’histoire, les nationalismes économiques, la valeur symbolique de la notion de transporteur Ťnationalť contribuent ŕ expliquer ce morcellement en contradiction avec quelques-unes des rčgles propres ŕ la sacro-sainte mondialisation. Et cela bien que l’avion ignore superbement les frontičres.
Trois grandes alliances, Oneworld, SkyTeam et Star, cherchent ŕ contrer ce qui serait, dit-on, une anomalie économique, celle du morcellement. Elles réunissent des partenaires complémentaires et certainement pas concurrents tous ŕ la recherche de sacro-saintes économies d’échelle et de synergies portant l’espoir de productivité accrue. Dans ce contexte, les partages de codes font florčs, les programmes de fidélisation intégrés affichent de grandes promesses tandis que se multiplient dans les aéroports des salons gérés en copropriété, faux luxe clinquant qui plait beaucoup, semble-t-il, ŕ la clientčle d’affaires toujours en quęte de considération.
Ces trois grands clubs mondiaux regroupent des compagnies qui semblent dire, ŕ leur maničre, qu’elles cherchent tout simplement ŕ fonctionner en bonne entente …et peut-ętre plus si affinités. Pour un acteur de dimensions moyennes, adhérer ŕ l’une des trois alliances tient aussi de la reconnaissance de ses pairs, ŕ l’accčs ŕ un statut Ťsocialť empreint de respectabilité. A croire qu’il n’y aurait point de salut pour les indépendants refusant d’accepter les contraintes propres ŕ des rčgles de vie commune parfois rudes.
Au-delŕ de ce constat, qui n’est évidemment pas nouveau, il s’agit de deviner si les alliances sont susceptibles de donner naissance, tôt ou tard, ŕ de méga compagnies mondiales. Au prix d’une perte d’identité peu compatible avec les aspirations des transporteurs jadis Ťnationauxť, il y aurait de quoi faire pour produire plus en gagnant davantage. Une formule néanmoins trčs théorique, sachant que les transports aériens affichent une rentabilité médiocre quand tout va bien, nulle dčs que la conjoncture donne des signes de fatigue, des pertes abyssales faisant leur apparition quand survient le creux de la vague ou, pire, de récession. En clair, mieux vaut confier ses économies ŕ un Livret A qu’ŕ une compagnie aérienne.
Dans cet esprit, la Star Alliance nous prépare peut-ętre une surprise. Non pas que ses 21 membres aient l’intention de fusionner mais, plus simplement, parce qu’une grande campagne de recrutement serait en préparation. Star se verrait volontiers pivot d’une cinquantaine de membres et atteindrait ainsi le Nirvana de l’aviation des temps modernes, la domination de la plupart des réseaux mondiaux.
Déjŕ, au fil de ces derniers mois, Star a enregistré six adhésions, par ordre alphabétique Air China, Brussels Airlines, Egyptair (notre illustration), Shanghai Airlines, TAM et THY. Cela commence ŕ faire beaucoup, ŕ savoir 500 millions de passagers par an, un effectif total de 393.560 personnes et une flotte de 3.325 avions. Ou encore, autres points de repčre, 16.500 vols quotidiens vers 912 destinations réparties entre 159 pays.
Bien entendu, il s’agit d’une alliance, ni plus, ni moins. Qui plus est volatile, comme le sont aussi Oneworld et SkyTeam. Il n’est pas rare qu’une compagnie quitte ses partenaires pour en rejoindre d’autres comme pourrait bientôt le faire Austrian Airlines, par exemple, dans l’hypothčse oů elle passerait sous le contrôle d’Air France-KLM, ce qui l’obligerait ŕ rejoindre SkyTeam.
Ces unions libres sont-elles susceptibles d’évoluer vers des mariages pour la vie et, ŕ terme, des fusions ŕ proprement parler ? Ce n’est pas impossible, la tentation du gigantisme pouvant peu ŕ peu s’avérer irrésistible. Ce serait dans la logique des choses mais, autant le dire clairement, de telles hypothčses conduisant ŕ l’apparition de véritables dinosaures suscitent d’ores et déjŕ une sourde inquiétude.
Pierre Sparaco - AeroMorning