Armons-nous et partez

Arion va en être très surpris, j’en suis sûr, mais je suis en partie d’accord avec lui quant à l’aspect néfaste des blocages de facs qui s’éternisent… non que je juge que la contestation n’a pas de fondements (au contraire!) :
- la “réforme” du statut des enseignants-chercheurs va avant tout casser la recherche fondamentale ; nombre de nos chercheurs s’expatrient déjà, d’une part parce que leur condition matérielle est lamentable, d’autre part parce que leurs labos sont équipés comme dans le tiers-monde, enfin parce qu’ailleurs on leur fait confiance et on les laisse travailler sur le long terme; on ne fera qu’aggraver les choses;

- si un chercheur doit certes être évalué, cela ne peut se faire que par des gens compétents dans son domaine d’activité; pas par un président d’université qui ne saurait être omniscient;
- on ne convainc pas des gens en les insultant en guise de préalable (les chercheurs “qui ne viennent que parce qu’il y a de la lumière et du chauffage”) Ou bien ces provocations sont le fait d’un esprit perturbé, caractériel (et dans ce cas c’est grave à ce niveau de responsabilité) ou bien - ce que je crois bien que l’un n’exclut pas l’autre - elles sont voulues pour créer et amplifier le conflit, pour avoir une opportunité de “casser” toute velléité d’opposition (dans la lignée de la droite dure et vindicative, de celle de Monsieur Thiers)
- la réforme prévue pour la formation des enseignants est idéologique, aberrante, et va à l’encontre de ce qu’il faut faire (on renforce la théorisation au lieu de revenir au concret, on la confie à l’université qui n’est absolument pas outillée pour cela; elle produit des licenciés parfois ignares, illettrés, sans la moindre culture générale. Comment peut-on lui demander sérieusement de corriger les conséquences de ses lacunes? (la liste n’est pas exhaustive)
Cela dit, les formes de contestation actuelles sont pires que le mal.
Parce que ce blocage qui dure depuis des mois va plonger les étudiants de condition modeste dans une m… pas possible.
Une année perdue pour un boursier, cela signifie suppression de la bourse, donc la fin des études.
Une année rallongée pour rattraper le temps perdu, pour un étudiant qui doit travailler, cela signifie la perte de ressources avec les travaux d’été écourtés ou annulés.
Une année allongée, cela oblige à garder deux mois de plus un logement souvent cher.
Et si on fait une année “allégée”, on dévalorise encore plus les diplômes universitaires qui n’ont guère besoin de ça: les fils et filles de bourges qui sont dans des écoles payantes huppées, ou ceux qui ont la possibilité de bosser dans des prépas ne souffriront pas du blocage des facs (c’est à dire ceux qui peuvent financer ou faire financer leurs études par les familles, parce qu’en prépa il n’est pas question de travailler en marge; tous ne sont pas des privilégiés sociaux, mais au moins ils peuvent étudier à temps plein) .
Oui à la contestation!
Mais une grève étudiante, à partir du moment où elle dure longtemps, qu’elle dépasse le temps de “symbolisation” nécessaire pour porter le problème devant l’opinion ne handicape que les étudiants - contrairement à une grève de salariés qui touche aussi les employeurs au portefeuille.
La contestation doit s’exprimer par le bulletin de vote, par des manifestations prises sur le temps de loisir. Il y a là des boutefeux qui, j’en suis sûr, ne seront pas les plus à plaindre et qu’on reverra plus tard, bien installés dans l’existence.
Bien se rappeler que, par exemple, Glucksmann, l’ultra bushiste et sarkozyste, était dans sa “jeunesse” un histrion maoïste qui sabotait les cours de l’université de Vincennes, qui expliquait aux étudiants “qu’étudier était bourgeois” (tout en percevant l’intégralité de son salaire de maître assistant). Ce type a considérablement contribué à ce que les diplômes de Vincennes n’aient aucune valeur… alors que l’expérience locale était remarquable (permettant à des salariés de condition modeste d’accéder à l’enseignement supérieur)
Autre trublion du même genre, qui a aussi apparemment mal tourné: Barroso (je dis “apparemment”, parce que les crapules pseudo gaucho-libertaires de tout acabit sont des suppôts objectifs de la bourgeoisie dans ce qu’elle a de plus réactionnaire, des provocateurs patentés, de la graine d’indics)
Etudiants! Posez-vous toujours la question de savoir si les conseilleurs seront les payeurs, si les partisans du blocage sont de vrais étudiants, boursiers, avec des fins de mois difficile et pas de solution de repli en cas d’échec. “Armons nous et partez“!, c’est un commandement cynique et infect.

Benjamin