Dans son livre François Bayou parle en son nom. Dès l’introduction il commente la stratégie de Nicolas Sarkozy en disant qu’elle est savamment calculée sans afficher la couleur. Il le suppose pendant la campagne, le vérifie dès le début de la mandature, du « régime ». Et les Français s’en rendent compte d’après: Tous les pouvoirs sont pris par un seul homme, le contrôle est de plus en plus grand. Son modèle de société est fondé sur l’inégalité. Bayrou va jusqu’à parler de « viol » .
Il parle de démocratie à l’imparfait « nos étions une démocratie », de la volonté de puissance du chef de l’Etat jaloux des autres chefs ; de ce modèle républicain bafoué par le chef de l’état qui est pourtant un « empêcheur de dominer en rond ». « Nous nous trompions » répète Bayrou plusieurs fois dénonçant l’attitude de Sarkozy le soir de sa victoire, dénonçant cette politique qui s’attaque à tous les domaines de l’unité nationale, regrettant l’opacité, le non-dit de la France actuelle.
Chapitre I : D’homme à homme (pages 21-39)
Hostis vs inimicus
Bayrou écrit ici sur sa relation avec Sarkozy. Il n’y a pas de rancœur entre eux, rien n’a été fait qui motive leur profond conflit. Inimicus c’est l’ennemi intime, hostis c’est celui à qui on fait la guerre ; Bayrou choisit le terme hostis pour qualifier le chef de l’Etat.
Enfances
Il est question de la bataille des jeunes UDF contre leurs aînés Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing pour avoir enfin, à leur tour une aura médiatique. Ils veulent que VGE transmette le flambeau, mais le projet échoue. Bayrou a compris que ses idées étaient différentes de celle de ses amis « comploteurs ». Ils voulaient faire un parti unique de la droite alors que lui voulait faire un parti nouveau, une alternative au RPR.
Il a beaucoup aimé VGE et rend hommage à cet homme « de nuance broyé par un monde bipolaire inadapté ». Bayrou a compris très tôt que la guerre entre VGE et Chirac mettait en péril ce que lui-même et d’autres voulaient mettre sur pied : une alternative qui accepte le pluralisme, l’indépendance, la concurrence assumée avec les autres courants politiques.
1993 est l’année de l’arrivée de Sarkozy, désigné par Chirac ; il sera au Budget, Bayrou à l’Education nationale. Sarkozy, se rapprochant de Balladur se voyait Premier ministre. Il fallait ruiner Juppé… Chirac fut élu.
L’inéluctable
Bayrou pense qu’il aurait été souhaitable, en 2002, que Sarkozy devienne Premier ministre : « Là, en tout cas, l’opposition lui aurait été interdite ».
Chapitre II : Références (pages 41-51)
Rupture
Voilà le mot employé par Sarkozy, reniant Chirac auprès duquel il a tant appris. Bayrou se demande « quel est le crime qui vaut à Jacques Chirac d’être humilié avec une si régulière obstination ». Pourquoi le stigmatiser ainsi ?
De celui-ci, Bayrou évoque la stratégie, parlant d’un « système de proximité fondé sur le vouvoiement et un système d’éloignement (…) fondé sur le tutoiement ». Il est question des « coups de scalpel » reçus de la part de Chirac mais aussi du « sens chinois de l’étiquette » de ce dernier.
Bayrou est persuadé que l’attitude de Chirac président de la république au moment de la guerre en Irak a porté le pays à « une affirmation nationale sans précédent », qu’il a eu le courage de s’opposer à cette guerre. Il affirme que si Sarkozy avait été président à ce moment là il aurait suivi Blair, Aznar, Barroso…
Bayrou a aimé que Chirac fasse en sorte de « sauvegarder le tissu national ».
Chapitre III : L’hyper (pages 53 à 63)
Reproche est fait au surhomme Sarkozy. La France a tout à redouter des surhommes, il lui faut un président qui voie « plus loin que le prochain JT ». La faiblesse de la France est d’aduler et de ne pas se saisir des sujets.
Bayrou relate une anecdote concernant Helmut Kohl chancelier allemand qui lui expliquait à la fin des années 70 l’architecture de la démocratie à l’allemande. A la réaction surprise de Bayrou devant un peuple « qui prenait à ce point au sérieux le droit des citoyens à être respectés, et leur droit à penser », Kohl répondit : « nous avons payé assez cher notre négligence sur ces sujets : nous ne recommencerons pas ». (page 55)
Démocratie
Pour Bayrou la France doit réaliser qu’elle a démissionné de son pouvoir de comprendre parce que quelqu’un décide de tout. Il faut garder le lien civique qui unit les gens du pouvoir au citoyen qui le leur a confié.
L’enfant barbare
Enfant, Sarkozy l’est dans sa conception qu’il suffit d’arriver pour tout changer. PPDA a payé le prix fort pour avoir comparé le président de la république à « un petit garçon ».
Il faut respecter l’Histoire, les cinq présidents précédents l’ont fait. Il est périlleux de vouloir « faire de la France autre chose que la France ». L’entreprise Sarkozy nous amène à renoncer à « la nécessité intérieure », à vouloir changer l’esprit général de la nation française ».
Chapitre IV : Réformes, le mot piège (pages 65 à 83)
Sarkozy met à mal notre modèle républicain, « sape » ses fondations pour amener un autre modèle que Bayrou qualifie « d’inégalitaire ».
Rupture
C’est un bon concept a priori, quelque chose que Sarkozy a longtemps médité.
Le mot volé
Le mot réforme est devenu le refrain du gouvernement. Son étymologie est reformare : rendre à quelque chose sa forme première. Bayrou revient sur l’évolution de ce mot au cours de l’Histoire pour arriver jusqu’à l’ère Balladur où ce mot allait devenir un concept qui rassemblerait « les différents chapitres d’une politique libérale ». Il devient un mot-clé et va peu à peu servir à tout.
La vraie question : progrès ou régression ?
La réforme, ce sera ce qui se décide d’en haut, elle est une pensée unique. Le mot finit par perdre son sens. De plus Bayrou considère que les réformes n’ont de sens que si elles vont vers un progrès.
De la réforme comme défaite
Il insiste sur le modèle de société, le projet de contrat social qu’a construit la France. Il veut que l’on regarde ce que ce pays a porté. « Il faut rompre (..) non pas avec notre modèle, mais avec toute une école de pensée qui voudrait nous persuader de renier ce que nous sommes pour rejoindre le commun troupeau » Il nous faut être différents et assumer ce que nous sommes.
Chapitre V : La rupture (pages 85 à 117)
La France perd ses valeurs, elles sont de moins en moins démocratiques, laïques, sociales. Elle va vers un autre modèle qui accepte la montée des inégalités, où « face au faible, le fort (a) tous les droits ».
L’aveu
C’est celui de Sarkozy disant en mars 2009 que « l’égalité est le contraire de la liberté et de la responsabilité ».
Peuple
Bayrou se définit lui-même comme un républicain et un démocrate français et refuse qu’on le taxe de gauchisme ou de droitisme. Il considère le fait de se « revendiquer peuple » comme une « vocation » et se qualifie de « modéré, de « républicain modéré ».
Les Français ne l’accepteront pas
Ce peuple a choisi un homme mais pas un modèle et n’acceptera pas longtemps ce qu’il se passe et ce, au-delà des obédiences politiques. Ni la gauche, ni le centre « grand courant démocratique (…) les valeurs de l’humanisme », une partie de la droite non plus. « Tout n’a pas disparu le soir du Fouquet’s. (…) C’est la France et tout ressurgira de ce qui fit l’amour, et la grandeur ».
Amérique et « modèle américain »
Croissance réelle des inégalités
Elle est un fait dominant des dernières décennies aux Etats-Unis. Ce pays où plus nombreux sont les travailleurs disponibles pour un travail non qualifié, plus bas est le coup du travail. Les plus riches s’enrichissent.
Les inégalités conduisent à la crise
Pour Bayrou cette crise est le résultat d’une dérive, d’un modèle inégalitaire.
La politique inégalitaire de la France concerne le bouclier fiscal, les taxes nouvellement créées, le financement du RSA, par exemple..
Dans le domaine de l’entreprise : « Hier on vantait les entreprises citoyennes : aujourd’hui on constate les dégâts sur le pacte social ». Pacte qui est rompu selon Bayrou.
Faire triompher la logique de marché
Il dénonce cette société qui prône ce qui est marchand. Il veut croire à l ‘égalité, à l’exigence publique « définie par la loi et le débat démocratique » des services publics.
Chapitre VI : L’idéologie argent (pages 119 à 134)
Le culte de l’argent est au centre des préoccupations et de la politique de Sarkozy ; à l’opposé de ce qu’ a été la République française qui a honoré une réussite non-liée à l’argent. Bayrou refuse « l’équation Sarkozy (..) de mettre le signe égale entre argent et réussite ».
Le travail du dimanche
Cette volonté sarkozienne s’attaque à quelque chose de philosophique, de social. C’est « une affaire de classe », de ceux qui peuvent faire du shopping le dimanche. C’est « de l’esclavage pour les petits commerçants ».
Codes et soumission
Bayrou dénonce ensuite la dictature de l’audimat, accrue sous Sarkozy, les liens de ce dernier avec la jet-set, avec Bush. Il dénonce ce « garçon qui s’est construit politiquement en des images ». Il raconte l’anecdote d’une affiche où le texte, d’un coup était en anglais : « cela veut dire : international (…)nous ne sommes pas des ploucs ». Or pour Bayrou c’est le « dernier des provincialismes (…) du formica ». Donc de la soumission.
Chapitre VII : L’idéologie OTAN (pages 135 à 149)
S’opposer à la guerre en Irak a été possible car la France ne faisait pas partie de l’OTAN. La décision de Sarkozy est politique et a fait de la France un pays à la merci d’intérêts industriels. Bayrou regrette ce que le pays perd à cette réintégration. Il regrette que cette politique tende à « une Union de l’Occident » et à l’idée que « l’Amérique et nous c’est pareil ». De plus il défend l’idée du modèle de l’Europe et de ce qu’apporte la France et que l’Europe nous permet d’aller de l’avant.
Chapitre VIII Condamnation de nos ambitions (pages 151-158)
Bayrou s’en prend au style Sarkozy, aux « auto célébrations ». Il évoque juillet 2008 lorsque le chef de l’Etat recevait quarante chefs d’Etat et de gouvernement de la Méditerranée à Paris, une grand-messe. Le tout superficiel et largement improvisé. Selon Bayrou, à chercher à plaire aux puissants, « nous y perdons notre légitimité ». Il est aussi question du conflit d’août 2008 entre la Russie et la Géorgie. La président de la république dit « les Russes ont le droit de défendre les intérêts des russophones à l’extérieur de la Russie ». Bayrou fait là un parallèle avec le fait que « c’est au nom du caractère germanophone de la population des Sudètes que Hitler a justifié l’annexion des régions tchécoslovaques ». (à partir de la page 155).
Pour Bayrou, dans ce conflit, Sarkozy a mis en scène un « accord qui est une reddition » face à Poutine et Medvedev.
Chapitre IX : Laïcité (pages 159 à 168)
Bayrou reprend sa métaphore de la maison pour comparer la laïcité à un « des piliers de la maison ». Or pour lui Sarkozy va à l’encontre de cela. Première alerte : le livre de ce dernier dans lequel le candidat Sarkozy parle de « l’utilité de la religion (…) répondant de l’ordre social ». En cela il y a un mélange des genres qui est à dénoncer. L’espérance doit être civique. Bayrou reproche aussi au chef de l’Etat sa visite du Vatican, en tant que président de la république en 2007. « Il faut refuser la religion d’Etat. Nous n’en voulons pas comme Français, ni comme Européens, ni comme citoyens, ni comme croyants ».
Chapitre X : Les médias sous influence (pages 169 à 190)
Bayrou parle de Paris Match comme « d’organe officiel du règne Chirac (..) propagandiste de la montée orchestrée de Nicolas Sarkozy). Il reconnaît – avec ironie- au chef de l’Etat sa maîtrise absolue des médias, s’étant associé peu à peu à tous les magnats de la presse. Le seul recours qu’il rest(ait)e est le service public. Sarkozy, sachant où il va a choisi, « sciemment (…) de réduire cette poche d’autonomie, cette possible résistance ».
Chapitre XI : L’affaire Tapie ou L’arbitraire (pages 191 à 214)
Bayrou ne déplore pas l’affaire elle-même mais ce qu’elle représente, démontrant que Tapie a toujours été important pour le pouvoir, « un allié potentiel » de l’équipe Sarkozy. L’affaire du Crédit lyonnais est « la plus grande spoliation d’argent public (…) et c’est l’Etat qui est en cause et ceux qui aujourd’hui le dirigent ». Dans cette affaire Sarkozy n’a pas craint de « contrevenir à la loi ». Bayrou pense qu’il y a un secret dans cette affaire qui permet de comprendre pourquoi le chef de l’état a pris ce risque et que « même contraint (il) ne devait pas être complètement mécontent de faire ainsi la nique au droit et au sens civique ».
Chapitre XII : Contre la république, l’égocratie (pages 215 à 226)
L’auteur essaie de trouver un terme pour définir le régime Sarkozy.
La monarchie est le commandement d’un seul ; le chef de l’état emploie ce mot en pensant hérédité (en réponse à une interview de Laurent Joffrin). Dictature ne convient pas non plus, pas plus que tyran (ils sont trop lourds).
Sont réprochés au président de la république et à son régime l’abus de pouvoir et le style. Bayrou choisit d’inventer le mot « égocratie » ( ego : moi je et cratie : gouverne).
L’égocrate est autoritariste, avec lui c’est le fait du prince, comme l’est sa conception de l’Etat, un Etat à disposition du pouvoir. Il abîme l’Etat en supprimant le « gouvernement, le Parlement et pire… la fonction présidentielle » puisque lui-même s’est transformé en chef de parti. Un président partisan « n’est plus un président ».
Chapitre XIII : Au bout du pouvoir (pages 227 à 251)
Bayrou se pose la question de « pourquoi tout cela ». Il revient sur l’affaire Pérol, celle d’une nomination de François Pérol, secrétaire général adjoint de la présidence de la république, chargé des questions économiques et financières, à la tête d’un nouvel ensemble bancaire. (à partir de la page 205, pages 234 à 238)
Pour Bayrou il s’agit là d’une infraction avec la loi, fait référence à un décret et un article du droit pénal (pages 232-233) pour appuyer son propos. Il déplore ce « réseau d’influences et d’intérêts qui s’est installé au cœur des mondes de la décision politique, médiatique, financière, économique » et ce durant toute « la période où s’exercera le pouvoir ».
« Ce qui est en gestation » conclue Bayrou » c’est une oligarchie, gouvernement de quelques uns.