Voici une mélodie magique qui s’installe dans la mémoire, une mélodie qui sait colorer toute une journée pour peu qu’on l’ait entendue une fois. Julien Baer chante
très près, un peu comme quand on prend dans ses bras son amour meurtri. La chanson semble dessinée d’une plume vive et légère sur un fond d’aquarelle, à la fois mélancolique et enjouée, dansante
et grave. Elle s’appelle Le La et elle donne son titre au quatrième album de Julien Baer. Et elle nous rappelle qu’il est un des plus précieux mélodistes que l’on connaisse. D’ailleurs Le monde
s’écroule, qui l’a révélé il y a presque douze ans, trotte toujours dans la tête…
Il est vrai qu’il ne se rêvait pas star. La musique commence pour lui avec la radio, « avant les FM, quand ce qu’on entendait était très éclectique : on entendait Jamais content de Souchon puis
une des tragédies symphoniques dansantes de Donna Summer… » Il n’a pas pris le plus court chemin. Pianiste de bar aux Trois Mailletz, il est arrivé lentement à la chanson, constituant une œuvre
hors norme avec trois albums bouleversants et subtils : Julien Baer en 1997, Cherchell en 1999 et Notre-Dame des Limites en 2005.
Aujourd’hui, il aime Rockollection et Mouloudji, des tubes glanés sur Skyrock ou sur MTV… Il a fait un disque qui ressemble à cette vaste discothèque mentale imprévisible : Pends le haut, pends
le court est une sorte d’hymne à la Creedence Clearwater Revival avec synthé vaguement disco et groove malien, Lourde Porte d’entrée navigue entre blues hippie et énigmes à la Dominique A, Tant
besoin de toi a des couleurs de Joni Mitchell partie en trip hop acoustique… Et on entend de la soul sans le sucre, de la cumbia sans les tropiques, de la Californie sans les paillettes, ne
serait-ce que parce que Julien Baer n’aime pas la symétrie, le prévisible, l’emphase. Les chansons lui viennent toujours comme « de la musique avec un mot, une vision ». Puis il tire sur le fil.
Un fil de tendresse et de poésie, un fil de douceur avec un rien d’acide.