On a beaucoup écrit ces dernières années sur le pouvoir du rire à soutenir le
processus de guérison. L’histoire de la façon dont Norman Cousins, cet ancien rédacteur du Saturday Review, s’est servi du rire (et de la vitamine C) pour se sortir d’une maladie incurable a été
publiée pour la première fois en 1979 dans son livre Anatomy of an Illness et est très connue de nos jours. En 1994, le California Pacific Medical Center de San Fransisco, convaincu que « le rire
est le meilleur des médicaments », à ajouter le volet « L’humour en médecine » à son programme de médecine et philosophie. Voici ce que le dépliant du programme en question, Ways of the Healer,
mentionne à ce sujet : « Les bienfaits physiologiques et psychologiques du rire sont très bien documentés. L’objectif de ce programme est d’instaurer et d’employer la thérapie par le rire de la
façon la plus efficace qui soit dans un milieu hospitalier. »
La chimie du sourire
Ceux d’entre nous qui ont déjà fait l’expérience dans leur vie de la
façon dont le rire peut transformer les émotions et alimenter le bien-être ont peut-être également observé que le vrai sourire provenant d’un ami ou même d’une personne inconnue dans la rue est
contagieux et a le pouvoir de nous remonter le moral et de nous défaire, du moins temporairement, des restrictions imposées par le stress et la négativité. Un tel sourire peut effectivement
transformer notre chimie émotionnelle et physiologique. Il peut nous insuffler une énergie nouvelle et une vision renouvelée. Il peut nous aider à accepter et à nous rappeler, en tout et en
partie, qui nous sommes vraiment. Pourtant, de façon étrange, on a très peu écrit sur la chimie du sourire et sur son rapport avec la guérison.
Le Sourire intérieur
Vu les preuves empiriques que nous avons de l’extraordinaire pouvoir d’un sourire à déclencher de tels changements, il est étonnant que si peu d’entre nous sourient volontairement. Les maîtres
taoïstes ont depuis longtemps reconnu le pouvoir du sourire à transformer les attitudes et les énergies. Et cette observation les a incités à mettre en pratique ce que Mantak Chia appelle le «
Sourire intérieur ». Avec cette méditation, nous apprenons à sourire directement à nos organes, nos tissus et nos glandes. Nous pouvons même sourire à notre graisse quand nous faisons les
exercices de chi kung amaigrissant car cela active davantage les cellules adipeuses. Les sages taoïstes disent que « quand vous
souriez, vos organes produisent une sécrétion semblable à du miel qui nourrit le corps entier. Quand vous êtes en colère, que vous avez peur ou que vous êtes stressé, vos organes produisent une
sécrétion toxique qui bloque l’énergie dans les méridiens, s’installe dans les organes et se traduit par une perte d’appétit, de l’indigestion, de l’hypertension, une augmentation des pulsations
cardiaques, de l’insomnie et des émotions négatives. Quand vous souriez à vos organes, ils prennent de l’expansion, s’assouplissent et s’humidifient, et deviennent par conséquent plus efficaces
». Le sourire intérieur est aussi utilisé dans diverses méditations et pratiques taoïstes, y compris le Taï Chi. On le retrouve également sous diverses versions dans les écrits bouddhistes (entre
autres dans les livres de Thich Nhat Hanh) et dans des œuvres artistiques comme Mona Lisa ou dans les statues de Bouddha, qui arborent un sourire conscient.
Le bon gros sens et l’observation nous permettent de réaliser rapidement que le fait d’arborer un sourire peut aider à transformer notre état émotionnel. Dans son ouvrage intitulé The Expression of Emotions in Man and Animals, Charles Darwin a fait observer que la libre expression d’une émotion par des signes extérieurs sert à intensifier celle-ci. Les écrits du grand psychologue de la fin du dix-neuvième siècle, William James, ont posé des jalons sur le sujet alors qu’il mentionne que nos émotions dépendent du « senti d’un état corporel ». En changeant l’état ou l’expression du corps, les émotions changent. Plus récemment, Moshe Feldenkrais, un des avant-gardistes dans le domaine de la rééducation physique et de la conscience corporelle, a écrit que « toutes les émotions sont liées à la stimulation provenant du système nerveux autonome ou végétatif, ou encore des organes, muscles, etc, innervés par ce système. L’arrivée de telles pulsations dans les centres supérieurs du système nerveux central est ressentie sous la forme d’une émotion ». En modifiant les stimulations provenant de ces parties de nous-mêmes par un changement conscient dans nos mouvements et nos postures, nous modifions effectivement nos émotions, en particulier celles qui sont associées à l’image que nous avons de nous.
On pourrait cependant soulever le fait qu’il doit y avoir une grande différence entre le sourire naturel et le sourire volontaire. Mais, dans une récente étude scientifique portant sur les effets des différents types de sourire et de leurs impacts sur l’activité cérébrale, deux chercheurs ont découvert que le sourire volontaire change bel et bien l’activité cérébrale, et ce à peu près de la même façon qu’un sourire spontané. Dans un débat sur leur découverte, les auteurs concluent ainsi : « Alors qu’on considère que les émotions arrivent sans crier gare aux humains, notre découverte laisse entendre qu’il est possible pour les humains de choisir certains des changements physiologiques se produisant pendant une émotion spontanée en adoptant simplement une expression faciale ».
Alors, «SOURIEZ maintenant», dirait la petite bestiole de notre ami Jean de la Fontaine!
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