« Fiat lux ! »
C’est par ces deux mots que Dieu créé le monde.
« C’est du luxe ! »
C’est par ces mots que l’on disqualifie un excès, un orgueil ou tout simplement une pulsion idiote…
Ainsi peut-on s’interroger sur cette double nature, à la fois étincelante et aveuglante du luxe.
Paradoxe génialement résumé par Icare qui meurt en se brûlant d’avoir approché le soleil.
Questions : le luxe peut-il être équitable ? Le luxe peut-il être durable ?
A la première question, la réponse est trop simple. Le luxe est à l’opposé de l’équitable à moins de restreindre l’équitable à cette image qui lui colle encore trop à la peau, à savoir une œuvre de charité.
L’industrie du luxe, c’est la parade imbécile pour se distinguer en prouvant qu’on peut tout avoir. Alors qu’ils n’ont rien puisqu’ils n’ont que de l’argent.
Mais si on s’intéresse au sens originel du mot « équitable », à savoir un rapport d’égal à égal, on voit bien que le luxe, ne pouvant pas être partagé, nécessite un rapport de force inégalitaire.
Il faut en quelque sorte replacer l’industrie du luxe dans le système économique actuel. Il serait captieux de rapprocher cette forme de luxe des potlatchs ou des dépenses fastueuses organisées dans l’Histoire (Gilles de Rais par exemple). Car l’industrie du luxe n’est aucunement dans le don. Elle étoffe plus qu’elle ne dénude et ne recèle par conséquent aucun prestige symbolique.
L’industrie du luxe, n’est juste qu’une gouttelette qui condense toutes les dérives du système économique d’aujourd’hui. A savoir, éviter la question de l’origine insolente de notre richesse matérielle. Et compatir avec les opprimés pour se bercer dans l’illusion que nous sommes charitables et que décidément, oui, nous méritons bien cette illusoire opulence.
A la seconde question, il faut avouer que la réponse est plus délicate. Le luxe d’aujourd’hui est souvent le low cost de demain. Surtout pour la consommation matérielle. Il suffit de voir qu’une voiture avent Ford, c’est un luxe. Un camescope en 1980 c’est un luxe. Etc.
C’est d’ailleurs la seule ressource sûre pour le marketing que de miser sur le désir permanent de la distinction par l’objet. Si nous considérons un exemple récent de ce marketing, la cafetière nespresso, on sait bien que tout cela n’est pas vendu à un prix recouvrant une quelconque réalité matérielle. Ceux qui souhaitent goûter au luxe de ressembler un instant à Mr Clooney ne sont pas bêtes au point de croire vraiment que tout ceci est si technologiquement sophistiqué qu’il faille mettre le prix. Ils mettent le prix pour dire « je suis du happy few ». Et les autres entendent pourtant « ils sont sadly many »…
Ainsi en est-il des différents exposants que l’on pourra rencontrer dans ces salons aux intitulés qui mêlent, de manière faussement provocatrice, les termes de luxes et de durable.
Le problème est que dans le monde du luxe, « rien n’est trop beau ». On peut donc faire toutes les concessions que l’on veut. On retrouve bien la seconde étymologie, à savoir l’excès, la démesure. En général, le luxe assume bien sa schizophrénie : ça n’a pas de prix (ca ne sert à rien) et donc, c’est cher. Aussi le luxe se prend-il pour l’art… Mais le luxe est plutôt à l’exacte croisée du mercantilisme dans l’art et du désir de distinction dans un monde homogénéisée par la techno-industrie.
Nul doute que les artistes qui coudoient ce genre de manifestation sont déjà condamnés.
Aujourd’hui, le vrai luxe, c’est de savoir être sobre. Et de battre la mesure…