Gohar est un drôle de bonhomme. Éduqué, cultivé, philosophe, il a tout abandonné pour la liberté. Il traîne comme mendiant, vivant de son indispensable cannabis qu’il fume chaque jour. Il fréquente Yeghen, une sorte de poète vendeur de hachich. Il voit aussi El Kordi, un petit fonctionnaire épris d’Akila, une prostituée qu’il veut enlever de son bordel tenu par Set Amina, mais sans avoir les moyens de la combler… C’est justement là qu’a lieu le crime. L’inspecteur zélé Nour El Dine, secrètement amoureux de Samir, qu'il présente comme son neveu, compte bien résoudre l’affaire et en tirer gloire.
Le récit ne semble pas linéaire. Il paraît aussi confus que les bas-fonds de la ville du Caire. Et c’est fait exprès. Ici, le lecteur occidental est confronté à une autre conception de la vie, s’égare dans une société chaotique pleine de vices, de perversions et de misères. Les mendiants jouissent de leur plus grande liberté, la paresse. Pourtant l’argent se révèle parfois indispensable pour réaliser les rêves hallucinogènes. L’auteur justifie une autre conception de la vie : « cette misère inaliénable, ce refus de participer au destin du monde civilisé recelaient une telle puissance que nulle puissance terrestre ne pouvait en venir à bout. » C’est aussi un regard sur un inspecteur torturé par ses tendances homosexuelles qu’il cache dans les quartiers sordides. L’orgueil n’est pas seulement de vouloir gagner de l’argent, c’est aussi refuser de vivre sa différence. Là encore, les mendiants apparaissent sans tabou… Dans le dessin, on retrouve des influences variées. Certains personnages font penser aux Pieds Nickelés. Golo peint cet univers avec une vraie crédibilité, une ligne claire assez ronde et des couleurs envoûtantes.
A redécouvrir.
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Mendiants et Orgueilleuxde Golo d’après Albert Cossery – Futuropolis - Février 2009 - 17,00 €
Chronique initialement publiée sur le site lgbt-bd