Il y a cinq ans, Jeremy Greenspan et Matthew Didemus débarquaient avec Last Exit, un premier album de synthé pop futuriste délicieusement mélancolique et arrangé avec un extrême raffinement. Deux années plus tard, ils récidivaient et plaçaient la barre en un peu plus haut avec So this is goodbye qui leur valut alors un franc succès critique, dont notamment un 9/10 de la référence US Pitchfork (lien vers l'article) et le titre de « Best new music ». Bluffant, les deux garçons, qui ne travaillaient pas ensemble au moment de la formation du groupe – Jeremy Greenspan ayant fondé Junior Boys avec un certain Johnny Dark, parti convolé vers d'autres cieux avant même la sortie de leur premier disque – sculptent de brillantes tracks mêlant électro funk des 80's et balade pop profonde, sublimées par la tristesse languide du chant de Greenspan. Autant vous dire que Begone dull care était attendu avec une certaine impatience.
Le titre de ce disque est tiré d'un film de 1949 du Canadien Norman McLaren, traduit en français par « Caprice en couleurs ». Le réalisateur, bien connu également pour ses expérimentations en matière de musique électronique, était un adepte du film d'animation direct, travaillant manuellement sur ses pellicules pour les recadrer ou les peindre. Il y a de cette démarche créative sur Begone dull care où, au fil des morceaux, l'on se prend parfois à entrevoir les couches instrumentales successives déposées par le duo pour enrichir et donner corps à sa musique. Mais, évidemment, ce n'est pas la première chose qui sautent aux oreilles et interpelle. En effet, l'impression dominante reste sans aucun doute le luxe et la fulgurance des arrangements, tous aussi imparables les uns que les autres. Basses rondes et old school, arpèges de banjo en boucle façon Merriweather post pavilion – sur la merveilleuse « Dull to pause », nappes de synthés profondes et micro-beats, la panoplie du duo canadien est étoffée et accomodée avec un goût de maître, à tel point que l'on en vient souvent à se dire que l'on pourrait aisément se contenter de ces belles plages instrumentales et se passer totalement de chant. Mais ce serait réserver un bien mauvais sort à Jeremy Greenspan et à son groove languide et badin.
Au fil des titres, la démonstration est aveuglante de maestria et les perles s'enchaînent les unes après les autres. « Bit and pieces », splendide exercice de micro-sampling agrémenté de breaks de saxophone. « Work » et son intro assassine à la Moroder sous speed ou « The animator » et son groove synthétique enivrant. La liste pourrait s'allonger et la classe du duo est inaltérable. Si la réécoute forcénée du disque affadit quelque peu l'album, gommant progressivement l'éclat des premiers instants pour exacerber un certain manque de profondeur, il n'en demeure pas moins un pur joyau. Etincelant.
En bref : Passe de trois pour le duo canadien Junior Boys. Après deux albums plus que réussis, un troisième disque de pop électronique somptueux, au sens du groove indéniable et aux arrangements à tomber. A quand le prochain ?
Le myspace des Junior Boys et le site web du label Domino.
Deux pépites extraites du l'album : « Dull to Pause » et « The Animator »
Les Junior Boys seront de passage au Rex le 11 juin prochain, en live et en compagnie de Circle Square, Jennifer Cardini et Mlle Caro. Pour la modique somme de 9,60 euros en prévente. Réserver ici.