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Ainsi va l'Europe

Publié le 12 mai 2009 par Toulouseweb
Ainsi va l’EuropeMenaces budgétaires sur l’avion de combat européen Eurofighter.
Davantage que le Rafale, l’avion de combat européen Eurofighter, alias Typhoon sur les marchés d’exportation, risque d’ętre bientôt frappé par la récession et les restrictions budgétaires qu’elle entraîne. Ces jours-ci, en effet, le Royaume-Uni s’interroge sur la nécessité de signer une troisičme et ultime commande, dite Tranche 3, qui devrait porter sur 88 exemplaires.
L’affaire fait grand bruit, comme toujours en pareil cas, dans la mesure oů le consortium quadrinational brandit la menace d’un désastre industriel, de pertes d’emplois considérables, voire de fermetures de sites de production. Brusquement, on se croirait ŕ Washington au moment oů a été annoncé l’arręt brutal de la production en série du F-22 Raptor. A croire que ces systčmes d’armes ont pour finalité de faire vivre le complexe militaro-industriel et non pas de se défendre contre des puissances étrangčres mal intentionnées. Selon les sources, de 60.000 ŕ 100.000 emplois seraient liés ŕ l’Eurofighter (ce qui est probablement exagéré).
Ce programme d’ampleur considérable est un survivant de la guerre froide -les études ont commencé en 1983- en męme temps que l’illustration coűteuse et spectaculaire d’antagonismes européens que rien ne semble pouvoir effacer. Le temps passant, on finit tout simplement par oublier l’origine de ce puissant biréacteur en męme temps que celle de son homologue français, le Rafale.
Il y a un peu plus de 25 ans, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, soucieux de construire l’Europe de la Défense tout en bénéficiant de synergies et d’économies d’échelle, avaient préparé conjointement, et non sans mal, les spécifications techniques d’un appareil capable de succéder ŕ la génération Tornado/Mirage 2000. La répartition des tâches s’était vite révélée difficile, puis délicate et, finalement impossible, les ambitions antagonistes des uns et des autres ne permettant pas de formuler un compromis. D’oů la décision de la France, en juillet 1985, de claquer la porte et l’apparition de deux programmes similaires et, par la force des choses, concurrents, ACX/Rafale d’une part, Eurofighter d’autre part.
Ce dernier a été lancé sur des bases ambitieuses, les quatre partenaires prévoyant d’acheter non moins de 620 avions. Depuis lors, deux succčs ŕ l’exportation ont été engrangés, l’un en Arabie saoudite, l’autre en Autriche. L’opération suit actuellement son cours, ignorant les retournements géopolitiques qui ont agité la plančte depuis 1983.
D’innombrables commentaires, des analyses savantes, des études économiques d’une précision chirurgicale ont dénoncé jusqu’ŕ saturation la cohabitation difficile des deux programmes européens. Dans cet environnement particulier, la France occupe une position originale dans la mesure oů EADS détient, ŕ travers ses branches allemande et espagnole, non moins de 46% de l’Eurofighter tout en étant actionnaire de Dassault-Aviation ŕ hauteur de 45,7%. Ce qui, du point de vue des actionnaires du groupe, permet de jouer tranquillement sur les deux tableaux.
De telles contradictions n’ont jamais gęné qui que ce soit, sachant qu’il est entendu de longue date que Ťtout le monde coopčre avec tout le monde, que chacun est concurrent de tous les autresť. Un principe qui, dans le domaine militaire, tient du fait accompli alors qu’on imagine difficilement Airbus et Boeing devenant partenaires tout en restant concurrents (1).
Dans ces conditions, EADS ne voit pas d’un bon œil une éventuelle réduction des commandes anglaises d’Eurofighter. Cela tout en espérant que le Rafale séduise enfin des armées étrangčres.
Depuis 1983, les divergences de vues entre la France et les pays partenaires de l’Eurofighter n’ont de toute maničre pas été aplanies. Outre-Manche et en Italie, notamment, au-delŕ des discours officiels, gouvernements et industriels (BAE Systems, Alenia Aeronautica, les motoristes) sont bien peu soucieux de poursuivre la construction de l’Europe de la Défense. Aussi ont-ils déjŕ opté, pour la suite, pour le F-35 Joint Strike Fighter américain, une décision qui scandalise la France. En d’autres termes, depuis 1983, aucun progrčs n’a été enregistré. Ainsi va l’Europe…
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Une telle situation a néanmoins failli apparaître dans les années 90 quand les deux rivaux ont envisagé de développer ensemble un long-courrier trčs gros porteur, le Very Large Commercial Transport. Mais Airbus et Boeing ont vite repris leur liberté, l’un lançant l’A380 et l’autre le 747-8.

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