La notion de courage est fonction du sacré, lequel fluctue au gré de l'histoire. La mythologie grecque présentait le courage comme une qualité manifestée par le guerrier que rien n'arrête, prêt à tout pour combattre et vaincre. Le sacrifice de sa personne était le déterminant permettant de proclamer la bravoure et d'ériger ainsi en héros celui qui s'en faisait l'écho. Puis le sacré, au fil de l'aventure humaine, vit sa substance modifiée. Dieu et son fils y prirent leur place et ses adeptes furent considérés comme des êtres courageux en défendant, quelque qu'en soit le prix, la position de leurs idoles, voire s'affirmer par la force en prédicateur pour que leur royaume soit de plus en plus vaste. Les Lumières leur portèrent cependant un coup non négligeable, l'homme se trouvant ainsi propulsé au centre de l'Univers. Le courage s'affirme alors dans la volonté de chacun à se battre pour préserver ses opinions, sa liberté de conscience. Le fondement du courage n'est plus la guerre pour la guerre, ni une subordination sans limite au divin, mais le combat pour des idées. Le nationalisme et les idéologies se chargent plus tard d'en être le relais. Le grognard, le poilu, le résistant voient s'élever des monuments et des statues glorifiant le courage dont ils firent preuve au nom de la patrie ou d'un parti.
Le XXème siècle, par son aspect tant progressiste que barbare, transforme par la suite le sacré. Le citoyen lambda, tout du moins en Occident, n'est plus prêt à mourir pour un dieu, pour un pays, pour un système politique. La démocratisation croissante des instances et le confort y sont également pour beaucoup. La sphère privée devient ainsi le sanctuaire qui mérite aujourd'hui de mettre sa vie dans la balance si celui-ci se voit menacé. Le courage s'est aseptisé car nous ne sommes plus collectivement en danger ni potentiellement sous la domination d'une entité participant à la négation de l'individu.
Sans Dieu ni idéologie, le courage se manifeste enfin par notre aptitude à se construire chaque jour eu égard la liberté qui nous est dorénavant consentie. Et dans un monde où la technique omniprésente est un but et non un moyen, où le progrès continu se réalise sans dessein particulier, la quête de sens constitue dans la société qui est la nôtre un acte de courage par excellence.