Chloé est anéantie. Elle vient de se faire brusquement plaquer par son mari, sans raison. Elle vient chercher un peu de soutien auprès de ses beaux-parents. Pierre, le père de son mari, l'emmène passer quelques jours au vert . Là, il lui raconte sa propre histoire. Comment il est tombé amoureux d'une autre femme, Mathilde, comment il a renoncé à cet amour par facilité ou par lâcheté, et comment il s'est retrouvé piégé d'une vie terne, sans passion. Il cherche à lui faire comprendre qu'il vaut mieux une rupture douloureuse, une trahison, plutôt que d'un simulacre d'amour et de vie bien rangée...
En adaptant le roman d'Anna Gavalda, «Je l'aimais», Zabou Breitman s'est lancée dans une entreprise ardue. Car si Ensemble c'est tout, autre oeuvre de l'écrivain portée à l'écran, pouvait reposer sur le contraste entre ses personnages attachants et hauts en couleur, Je l'aimais n'est qu'une histoire d'amour, de passion, de frustrations et de regrets. Des sentiments pas évidents à restituer au cinéma, d'autant que la narration consiste en un récit morcelé, fait de longs flashbacks.
Du coup, le résultat est assez inégal.
Le début du film est laborieux. Florence Loiret-Caille est convaincante en femme brisée, humiliée, mais le jeu de Daniel Auteuil semble curieusement manquer de justesse.
Sa prestation s'améliore au fur et à mesure que l'on découvre l'histoire de Pierre et de Mathilde, grâce à l'alchimie évidente du couple qu'il forme avec la lumineuse Marie-Josée Croze.
Le jeu de la séduction, la découverte progressive de l'autre et la montée du désir et de la passion sont particulièrement bien rendus, s'appuyant sur une mise en scène feutrée, toute en élégance, qui possède la texture ouatée des souvenirs heureux.
Cette partie, très romanesque, sert de base à la seconde moitié du récit, lorsque Daniel Auteuil se retrouve tiraillé entre le besoin physique d'être avec Mathilde et le petit confort de sa vie de famille bien rangée. La situation est d'autant plus problématique que sa femme a compris qu'il a une liaison. Elle aborde le sujet lors d'un dîner en tête-à-tête, dans un petit restaurant. La scène est particulièrement réussie. Déferlante de sentiments complexes, entre amour et jalousie haineuse, chantage et soumission.
Pierre, qui semblait jusqu'alors étranger à sa propre vie, se découvre, se redécouvre, et se retrouve au centre des attentions. Il doit faire un choix pour la suite à donner à sa vie. Un choix qui implique de faire souffrir au moins une personne.
Les conséquences de cette décision, ou plutôt de cette indécision, teintent le film d'une certaine amertume et font naître l'émotion. Néanmoins, ce récit d'une vie gâchée par la peur et la lâcheté n'est cependant pas aussi touchant qu'il aurait pu – qu'il aurait dû – l'être. Certes, il n'était pas facile de broder autour d'un thème aussi peu novateur, qui a déjà été décliné en de nombreuses pépites cinématographiques, de Brève rencontreà La fin d'une liaison. Mais certains cinéastes ont quand même réussi, récemment, à livrer des chefs-d'oeuvres sur des trames similaires. Citons juste Sur la route de Madison de Clint Eastwood ou In the mood for love de Wong Kar-Wai.
Zabou Breitman n'est pas encore à ce niveau, et n'a d'ailleurs pas cette prétention. Mais on pouvait s'attendre à un peu plus de la part d'une réalisatrice qui avait su nous bouleverser avec son premier long-métrage, Se souvenir des belles choses.
Je l'aimais n'est certes pas mauvais. On peut même lui trouver quelques qualités essentielles à un mélodrame réussi. Il manque juste la petite étincelle qui transforme les bons films des grands films, celle-là même qui transcendait les films précédemment cités. C'est à dire à la fois peu et beaucoup...
Note :